Ces machines qui vont nous sauver
ou nous détruire

11 juin 2006

Je voudrais vous conter une histoire qui est en train de s'écrire sous nos yeux. Quelque chose vient de naître, de vagir dans les entrailles de la Z-machine de Sandia, un laboratoire du Nouveau Mexique. L'enfant a poussé son premier cri en mai 2005. Il est sorti d'un coup des entrailles du néant.

Cela fait un demi-siècle que les hommes courent après le mirage de la fusion. Alors que le démon de la fission s'était laisser dompter relativement facilement; au début des années quarante, en donnant naissance à la première bombe atomique qui explosa à Alamogordo, aux Etats-Unis

 

L'explosion de la première bombe atomique, à Alamogordo

 

le second enfant des hommes, l'enfant prométhéen, n'émergea qu'en tant qu'enfant du premier. Dès que les hommes surent qu'ils pouvaient libérer la fantastique énergie qui se cachait au sein de la matière elle-même ils envisagèrent de mettre en oeuvre des réaction non de fission mais de fusion.

Au départ les "atomistes", les "physiciens du nucléaires", comme on les appela par la suite étaient de simples chimistes ( comme le découvrueur de l'atome, le Néo-Zélandais Ernest Rutherford ) . Pour un chimiste la fission n'est rien d'autre qu'une réaction de dissociation, fortement exo-énergétique, mettant en oeuvre un processus d'auto-catalyse. L'uranium 235 ne demande qu'à se dissocier en fragments de masses comparables, en libérant au passage quelques neutrons. Ce sont ceux-ci qui, frappant les noyaux voisins déclenchent le feu de la "réaction en chaîne", à condition que la quantité d'atomés réunis soit assez importante pour que ces neutrons puissent entrer en collision avec un autre noyau de 235. Plutôt que de masse critique on devrait parler de volume critique. Voir

http://www.savoir-sans-frontieres.com/JPP/telechargeables/Francais/energetiquement_votre.htm

Après avoir exploité l'instabilité de l'uranium 235, existant à l'état de traces ( 0,7 % ) dans le minerai naturel d'uranium 238, un autre "isotope" de cet élément, les hommes exploitèrent celle du plutonium 239, un élément qui, cette fois, n'existait pas dans la nature mais pouvait être fabriqué en dopant de l'uranium 238 en lui faisant capturer un "neutron rapide" émis lors de la fission d'un U235. La plutonium est aussi "fissile", possède une "masse critique" et se prête à la fabrication de bombes. C'est cette seconde bombe qui fut "expérimentée" à Nagasaki, au Japon.

Toujours avec l'oeil du chimiste, la fusion ressemblait beaucoup plus aux banales réactions chimiques que nous connaissions. Au gauche des "produits de réaction". A droite, le résultat de la réaction en question. Schématiquement

 

A combiné à B donne C plus de l'énergie

 

La réaction de fusion qui se produit à la plus basse température est celle qui met en jeu deux isotopes de l'hydrogène : le deutérium et le trititium (constituant ce qu'on appelle l'hydrogène lourd ), le second ayant le défaut d'être instable, "radioactif" ( durée de vie : 12 ans ). Cette température est de cent millions de degrés. Les Américains tentèrent de déclencher cette réaction en utilisant les rayons X produits par l'explosion d'une bombe à fission, en plaçant tout simplement un mélange deutérium-tritium "à côté" d'une bombe "A", à fission. Cette expérience porta le nom de " Greenhouse ", la "serre ". L'hydrogène avait l'inconvénient de devoir se présenter sous une forme condensée, liquide, c'est à dire à très basse température. Dotée d'une vaste installation annexe de cryogénie cette première " bombe H "n'était donc pas opérationnelle.

Il existait une seconde réaction qui permettait d'utiliser un explosif se présentant à l'état solide : l'hydrure de Lithium Li H. Mais la température à mettre en oeuvre était cinq fois plus élevée : 500 millions de degrés au lieu de cent. En Russie le jeune Andréi Sakharov eut l'idée de placer la (petite) bombe à fission au foyer d'un ellipsoïde affectant la forme d'un oeuf allongé, d'une coque creuse faisant office de réflecteur, vis à vis des rayons X. Tout les opticiens du monde savaient cela depuis des lustres. En plaçant une source de rayonnement au premier foyer de cette surface réflectrice ellipsoïdale celle-ci concentre ce rayonnement au second foyer. Il suffisait donc d'y placer l'extrêmité d'une charge d'hydrure de lithium ayant la forme d'un "pain de sucre".

 

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Montage de Sakharov-Teller-Ulam

 

Au Etats-Unis deux jeunes chercheurs Juifs, le premier d'origine ukrainienne, Stanislaw Ulam :

 

Stanislaw Ulam

 

le second de nationalité hongroise, Edward Teller, eurent au même moment cette idée que les anglo-saxons qualifièrent de " technically sweet ".

 

Edward Teller en 1958, qui servit de modèle au personnage du "Docteur Folamour"
et qui appelait familièrement la bombe H " my baby "( " Mon bébé ")

 

( citons simplement pour mémoire le sens de l'humour assez doûteux de certains scientifiques auteurs d'ouvrages traitant de la naissance de tels engins, l'un d'eux, Antoine Schwerer ayant donné le titre " Auprès de ma bombe " à son propre livre, publié en 1990 ( 120 pages )

 

Antoine Schwerer : " Auprès de ma bombe" ....

 

Les Américains choisirent d'expérimenter d'abord la bombe " à hydrogène ", fonctionnant à 100 millions de degrés, avec un mélange deutérium-tritium. Mais, à la surprise générale les Soviétiques sautèrent cette étape, grâce aux calculs effectués par Andréi Sakharov et mirent en oeuvre les premiers la "bombe sèche", dont la charge se présentait sous la forme d'un solide : de l'hydrure de lithium. Une bombe qui était donc immédiatement opérationnelle. Cette soudaine avancée des forces du " bloc Est " donna le signal de départ d'une course aux armements absolument effrénée.

A ce stade le lecteur doit garder en tête ce "mélange miracle" Lithium6 + Hydrogène1 qui produit deux noyaux d'Hélium4 et .. pas de neutrons. Cette "bombe H " est ainsi "non-polluante". Hélas, si un jour des terriens en subissent les effets ils n'auront sans doute guère le temps de profiter de cet effet. Si les "Bombes H" sont si "polluantes" c'est principalement à cause de la charge de fission qui leur sert de détonateur et à "l'activation" du réflecteur en "uranium appauvri", constitué d'uranium 238. Celui-ci, en absorbant un neutron émis par la réaction de fusion se transforme en plutonium 239 qui fissionne à son tour. On obtient alors l'engin le plus horrible qui soit jamais sorti de l'imagination des hommes, la bobe " FFF " ( fission - fusion - fission ), la plus riche en retombées radioactives.

Pendant que les militaires s'activaient à développer leurs bombes, les civils, de leur côté, tentèrent d'allumer un mélange deutérium-tritium dans des enceintes de forme toroïdale, les "tokamaks", inventés par le Russe Artsimovitch ( sacrément imaginatifs, ces Russes, décidément ... ).

La plupart des lecteurs connaissent maintenant le schéma de telles machines où le mélange gazeux, porté à très haute température est "confiné magnétiquement", c'est à dire au coeur d'un bobinage affectant la forme d'un tore ( ou aujourd'hui plus exactement la forme de la lettre " D ", tournant autour d'un axe. Cette idée est au coeur de cette cathédrale pour ingénieurs qui porte un nom : ITER.

 

 

La machine ITER

 

Sur l'illustration ci-dessus on distingue, en coupe, cette enceinte fermée, de révolution, entourée de tous ses dispositifs périphériques. Cette machine prendra la suite, sur le site français de Cadarache d'une machine semblable, " Tore-Supra", mise en chantier un quart de siècle plus tôt :

 

Tore supra

 

Intérieur de tore-supra

 

Cette première machine française, dont la construction démarra il y a un quart de siècle ne tint pas ses promesse. Sur le schéma ci-dessus on distingue cependant les nombreux gadgets grâce auquels on s'efforce de porter le plasma à haute température et qui constituent différentes façon d'injecter de l'énergie dans cette chambre toroïdale ( micro-ondes, "faisceaux de neutres", etc ). Le premier résultat tangible sera finalement obtenu sur une machine anglaise installée à Culham, le " JET " ( joint European Torus ). .

 

 

La machine anglaise JET, 12 mètres de haut

 

Le volume du plasma confiné se situe alors entre 80 et 100 mètres cubes. En 1997 le tokamak de Culham fonctionna pendant ... une seconde.

 

L'intérieur du JET

 

C'est ce résultat jugé "très encourageant" qui amena des chercheurs et ingénieurs à proposer de "passer au stade au-dessus" en proposant le projet ITER, de proportions encore plus imposantes.

Pourquoi cette course au gigantisme ?

Un tel plasma se refroidit radiativement. La surface externe est émissive, c'est là que s'opère la déperdition de chaleur. Celle-ci croît donc comme la surface du plasma, le carré de la dimension caractéristique de la machine, disons de son diamètre, alors que la quantité d'énergie contenue par ce même plasma varie comme son volume, c'est à dire comme le cube du diamètre. Si une telle machine a tendance à se refroidir radiativement, le fait d'accroître ses dimensions minimisera cet effet.

Enfin... tout est relatif. Le JET a fonctionné pendant une toute petite seconde, puis s'est étouffé comme une vieille chaudière, simplement à cause de ce refroidissement radiatif. Mais pourquoi ce phénomène prend-il si vite le pas sur l'énergie dégagée par la fusion elle-même ? Parce que le confinement pariétal, confié au champ magnétique n'est qu'imparfait. Des particules rapides parviennent à "passer au travers les mailles de ce filet" et à frapper les parois solides de la machine. Ce faisant elles arrachent des noyaux appartenant à cette envelope solide, dont des noyaux de métal, qui s'ionisent immédiatement en se fondant au sein du plasma de fusion. Là, ces noyaux interagissent avec les électrons libres par Bremstrahlung, "rayonnement de freinage". Déviant les légers électrons de leur course ils leur font émettre du rayonement. Le "gaz d'électrons" se refroidit. Ce faisant celui-ci refroidit le mélange de fusion deutérium-tritium. Dès que la température chûte en dessus des fatidiques cent millions de degrés la machine s'étouffe et s'éteint, bêtement. Le phénomène est d'autant plus gênant que ce refroidissement radiatif varie comme le carré de la charge électrique portée par les ions lourds arrachés à la paroi.

Le JET s'est éteint de cette façon, après une seconde de fonctionnement. ITER fera de même. Il est conçu pour un fonctionnement de cinq minutes mais tout porte à croire que celui-ci n'excédera pas une petite dizaine de secondes. Actuellement aucun système opérationnel n'existe qui permette de se prémunir contre ce phénomène de pollution du plasma de fusion et de refroidissemen radiatif de la "chaudière". Les solutions évoquées dans la presse ne figurent qu'au conditionnel. Ces schémas techniques ne sont de toute façon pas à la portée d'un lecteur lambda. Le discours peut se résumer à ceci :

- Les hommes ont besoin d'énergie. Le nucléaire leur en fournit, modulo la production de déchêts radioactifs qui sont fort gênants, nous le concédons. La fusion est la voie de l'avenir. Mais la route sera longue. ITER ne montera en puissance que dans une vingtaine d'années, et alors ....

Et alors, quoi ? On rasera gratis ? On aura trouvé d'ici là le moyen de guérir le monstre de ses tares congénitales ? Sa température acceptera-t-elle de se maintenir pendant le laps de temps envisagé ou nous expliquera-t-on alors que "pour que ça marche il aurait fallu prévoir une machine . encore plus grande", avec un nouvel appel au porte-monnaie du contribuable. Et que faire des structure annexes activées par un puissant bombardement par des neutrons dotés d'une énergie de 14 Mega-électron-volts ? Comment prévoir quelle sera la tenue mécanique de l'immense aimant supraconducteur, dont le prix Nobel Gilles de Gennes signalait la fragilité, vis à vis de ce bombardement implaquable ? Que se passerait-il si cette tenue mécanique se trouvait soudain altérée, transformant l'objet en un fantastique explosif, capable de répandre dans la nature une masse notable de tritium radioactif.

Vous ne verrez ces questions évoquées nulle part, tout simplement parce qu'ITER n'est pas conçu pour fonctioner ... longtemps, assez longtemps pour que son système de magnétisation supraconducteur ne se dégrade. Quand on passera à "super-ITER, dans 25 ans, il sera toujours temps de se préoccuper de ce ... nouveau problème".

Comme dirait le docteur Panglosse, quelle est la raison suffisante de projets aussi pharaoniques ? On s'y accroche parce que les besoins en énergie de la planète semblent insatiables. Leur croissance s'avère vertigineuse, exponentielle. Le pétrole s'épuise. Certains pays, comme les Etats-Unis, possèdent de très importantes réserves en ... charbon, mais celui-ci possède alors le ruban bleu de la pollution. Après Charybde, Scylla.

Les "solutions alternatives" ne paraîssent pas suffisantes, comme l'éolien, le solaire, l'énergie marémotrice, géothermique. Les "retours sur investissements" ne paraîssent pas suffisants au regard des besoins des hommes. Ainsi le nucléaire "apparaît comme le moindre mal". Telle est la position de Claude Allègre, notre ancien ministre, moderne Panglosse technologique qui prône que "tout est pour le mieux dans le meilleur des nucléaires possibles".

La "décroissance" est une solution pour pays riches. Ce n'est pas en roulant à l'huile de colza, en nous éclairant avec des lampes de 25 watts, en roulant en bicyclette et en chauffant l'eau de nos baignoires avec des panneaux solaires, en équipant nos WC de cuves à deux vitesses que nous pourront nous hausser à la hauteur des besoins planétaires. Cela part d'une excellente intention, mais par quelque bout qu'on prenne le problème c'est insuffisant, c'est un rève pour gosses de riches.

La situation semble être devenue si critique que de nombreux pays envisagent de passer au nucléaire ( situation qui fait la fierté de tant de responsables français ). La course à la fusion via des machines aussi problématiques qu'ITER révèle l'étendue du malaise. Il est si profond qu'on envisage des filières dont on ne sait quand elles s'avèreront rentable et si même elle le deviendront un jour. Mais, jusqu'au printemps 2005 la réponse invariable était :

- Vous avez autre chose à proposer ?

 

Le nucléaire, autrement. La fusion non-polluante, exempte de radioactivité.

Le tout nucléaire est une perspective terrifiante. Il implique l'enfouissiement de milliers de tonnes de dangereux produits radioactifs d'une durée de vie .. infinie à l'échelle de nos brèves existences humaines. Depuis les accidents de Three Miles Island et de Techernobyl nous savons que les réacteurs nucléaires sont dangereux, qu'ils peuvent polluer d'immenses territoires où naitront des enfants mal formés, où des masses d'hommes et de femmes développeront des cancers. Où trouver cette source d'énergie magique, que la Nature nous fournirait en abondance et que ne polluerait pas notre environnement, ne mettrait pas nos existences en danger ?

Chose tout à fait étonnante ces solution existent depuis un demi-siècle. La première d'entre elle est précisément celle qui sert de point de départ à ce qu'on a appelé " la bombe à hydrogène " : la filière Lithium - hydrogène. Rappelons la réaction de fusion :

 

Lithium7 + Hydrogène1 ----> deux noyaux d'Hélium4 et .. pas de neutrons

 

Seul inconvénient : il faut une température de 500 millions de degrés, cinq fois supérieure à cette qu'on a réussi à créer pendant une seconde dans le tokamak de Culham. Il en existe une autre :

 

Bore11 + Hydrogène1 ----> trois noyaux d'Hélium4 et .. pas de neutrons

 

Il faut cette fois porter le mélange à la température pharamineuse de mille millions de degrés Kelvin, un milliard de degrés ! . Deux fois la température qui règne au coeur d'une bombe H que l'on vient de mettre à feu, cinquante fois la températuire qui règne ... au coeur du Soleil.

Eh oui, beaucoup de lecteur l'ignorent, les étoiles n'ont pas le record de température. Pourquoi ? Tout simplement parce que si la température du Soleil atteignait les cent millions de degrés, ou plus encore, ce ne serait plus une paisible chaudière, une marmite qui mitonne, mais une ... bombe. Les très fortes températures, on les trouve dans le cosmos dans le " supernovae " qui sont des étoiles qui explosent. Après un fonctionnement relativement paisible, avec des températures assez voisines de celle évoquée plus haut les voici soudain qui tombent très brutalement ( en quelques jours ! ) en panne de carburant. Elles s'effondrent alors comme des soufflés à symétrie sphérique, sur elles-mêmes. Plus précisément sur leur "cendre", en l'occurence un noyau de fer dont les atomes, formés par des réactions de fusion, ont simplement coulé au fond de l'étoile par gravité.

L'étoile s'effondre sur elle même à une vitesse atteignant des centaines de milliers de kilomètres par seconde. Cette énergie cinétique se tranforme brutalement en température et c'est cette formidable énergie qui produira les éléments lourds de la table de Mendeleiev, les atomes dont nous sommes formés, vous, moi, le plomb de la mine de mon crayon, l'uranium du réacteur qui, actuellement, produit l'électricité qui alimente mon ordinateur.

Le Cosmos possède d'autres sources très exo-énergétiques : les quasars. Dans ce cas une masse d'hydrogène, déstabilisée, se rassemble au centre d'une galaxie. L'énergie cinétique qu'on acquis ces atomes se transforme en chaleur et cette masse se mue alors une fantastique bombe à hydrogène, plus grande que le système solaire, émettant un bref instant autant d'énergie que la galaxie toute entière. En rassemblant le lignes du champ magnétique galactique ce système se transforme en un immense accélérateur de particules qui émet alors des noyaux à des vitesses relativistes, selon deux jets diamétralement opposés, associés à ce "dipôle magnétique ainsi formé".

Si on excepte des phénomènes paroxystiques, la température atteinte au coeur de nos bombres à hydrogène ( 500 millions de degrés ) est la plus élevée qui règne dans tout le ... système solaire et même à un bon paquet d'années-lumière à la ronde. Nous pouvons en retirer une légitime fierté.

En mai 2005 ce record a été soudain battu, de manière totalement inattendue, étonnante. Il faut retracer ce cheminement qui débouche sur une découverte que je considère comme aussi importante que ... celle du feu, étant données les implications qu'elle aura, immanquablement.

Résumons-nous. Qu'est-ce qu'un tokamak, qu'est-ce que la machine de Culham, qu'est-ce qu'ITER ?

Ce sont des chaudières, fonctionnant en régime continu, avec tous les inconvenients que ceci peut présente.

 

ITER, c'est la machine à vapeur du troisième millénaire.

 

Comment fonctionne une machine à vapeur ?

Prenons l'exemple d'une locomotive. Il y a au départ une source de chaleur, en l'occurence du charbon. Celui-ci brûle en se combinant avec l'oxygène de l'air. On dispose alors d'un échangeur, constitué par un important réseau de tubes où de la vapeur circule en circuit fermé. Les gaz de combustion chauffent cette vapeur et constituent la "source chaude" de ce système. Qui dit température dit pression. Cette vapeur est envoyée vers des cylindres où elle "travaille", fournit une énergie, ici mécanique. Si cette machine à vapeur était couplée à une génératrice elle produirait alors de l'électricité.

Dans des centrales thermiques, plus modernes, on brûle du pétrôle ou du charbon ( tous deux sont des hydrocarbures, issus des économies que le monde végétal a constitué pour nous au fil de centaines de millénaires ). On a délaissé le système des pistons en passant à la turbine à gaz, présentant un meilleur rendement. Vous remarquerez qu'on a suivi exactement le même cheminement en aéronautique où nos modernes "moteurs à réaction" sont conçus sur le modèle de la turbine. On a abandonné l'antique système des moteurs à pistons, qui actionnaient des hélices. Mais alors, ces turbines de nos Airbus, qu'actionnent-t-ils ? Des hélices carrénées, à meilleur rendement, qu'on appelle "soufflantes". La prochaine fois que vous prendrez l'avion, jetez un oeil sur ces propulseurs plus élaborés.

ITER ne sera rien d'autre qu'une centrale tehrmique d'un genre différent. Source d'énergie : la fusion, avec inconvénients, déchêts, activation des structures, risques, problèmes de tous ordres, coûts d'exploitation. Là encore un échangeur fournissant ... de la vapeur qui actionnera une turbine à gaz, elle-même couplée à un alternateur. Si on excepte la source d'énergie c'est de la techno-science très fin de révolution industrielle.

Pourquoi nos automobiles ne sont-elles pas conçues en ligne directe des locomotives à vapeur ? On remarquera que le premier véhicule automoteur ayant existé, le fardier de Cugnot, était une machine à vapeur automotrice.

Le fardier de Cugnot ( 2 km/h en 1771 )

 

Un fardier est un véhicule aux roues basses, destiné à porter de très jourdes charges. L'objectif était déjà d'ordre militaire ( déjà ! ), l'idée de Cugnot étant d'assurer le transport de canons. Si vous lisez les avatars de cette découverte vous connaîtrez du même coup, sans muavais esprit, l'avenir d'ITER, par simple transposition.

La première aéronautique au monde est en principe basée sur un appareil inventé par le Français Clément Ader, "l'Eole", et qui est actuellement visible au Conservatoire des Arts et Métiers à Paris.

 

L'Eole de Clément Ader ( 1890 )

 

Ader s'est inspiré des ailes de la chauve-souris. Au milieu du fuselage on distingue l'endroit où se tenait le pilote, assis sur le plancher de l'appareil et manoeuvrant la machine à valeur actionnant les deux hélices de ce que son inventeur appela d'emblée " avion " ( le mot vient de là ). Un des appareils construits par Ader se serait élevé à une hauteur de 20 centimètres sur une cinquantaine de mètres. Ces recherches furent financées par les militaires ( encore ! ). Le fait que ces résultats, classés "secret défense", et qui ne furent rendus publics qu'en 1990, un siècle plus tard ( lorsque les archives de Satory tombèrent dans le domaine public ) fit qu'il fut difficile aux français de renvendiquer une priorité vis à vis de l'exploit des frères Wright, concernant le premier vol d'un plus lourd que l'air.

De toute évidence nos automobiles ne fonctionnent pas à la vapeur. Il doit bien y avoir une raison suffisante à une telle évolution. Que s'est-il passé ?

Le moteur à explosion a simplement détrôné le moteur dont " le système thermogénérateur fonctionnait en continu ". Le mot "explosion" est d'ailleurs impropre, à moins que l'ont qualifie d'explosion une combustion très rapide. Dans les "moteurs à explosion" on cherche au contraire à éviter que ne naissent des "ondes de détonation" en mélangeant à l'essence des susbtances "anti-détonantes".

Dans ces moteurs à combustion très rapide le carburant, mélangé à l'air, libère son énergie le plus vite possible et à une température relativement élevée, qui n'est atteinte qu'en fin de compression. Un chemisage et un refroidissement par eau permet à l'ensemble de conserver une température suffisamment basse pour garder une bonne tenu mécanique. Dans les moteurs à essence la combustion est initiée par l'étincelle délivrée par une bougie. Dans les diesel la températiure atteinte en fin de compression est suffisante pour que le mélange fuel-air réagisse tout seul, s'enflamme de lui-même.

Le mélange brûle. Sa température et sa pression s'accroissent. Ceci repousse un piston, met en mouvement un volant, délivre de l'énergie, qu'il s'agit de la motorisation d'un véhicule ou de production d'électricité ( groupe électrogène ). Une partie de l'énergie est stockée dans un volant d'inertie et servira à assurer la compression suivante. On obtient le schéma :

- admission du mélange combustible ( gaz oil ) et comburant ( air ) , c'est à dire du "malange réactif"
- compression
- expansion et production d'énergie
- subsidiairement un temps supplémentaire permettant l'évacuation des produits de combustion, toujours avec l'énergie emmagasinée dans le volant d'inertie.

Sur quoi planchent les scientifiques qui s'intéressent à la fusion "en impulsionnel" ( par opposition à la fusion en continu, visée dans des machines comme ITER ) ?

 

Sur des "deux temps ( ou quatre temps ) à fusion".

 

Principe :

1 - Admission du mélange réactif
2 - Compression ( électromagnétique, l'énergie étant délivrée par un système susceptible de stocker de l'énergie électrique )
3 - Fusion, avec dégagement d'énergie
4 - Expansion des produits de réaction, par simple accroissement de la température et de la pression
5 - Exploitation de cette énergie en utilisant un générateurt MHD à induction
6 - Enfin réinitialisation du système, ce qui implique le stokage d'une partie de l'énergie électrique produite, l'évacuation des produits de réaction et la remise en place du mélange exo-énergétique.

Dans ce schéma pas mal d'élements étaient déjà maîtrisés de longue date. Précisément depuis les années cinquante. La phase 5, par exemple. Qu'est-ce qu'un " générateur MHD à induction " ? C'est un simple bobinage à l'intérieur duquel règle un champ magnétique B. La fusion va produit un plasma à très haute température. 100 millions de degrés si la machine fonctionne avec un mélange deutérium-tritium ( Isotopes de l'Hydrogène dont l'un est radioactif, avec une période de 12 années et avec l'inconvénient de produire des neutrons à 14 Mev, entraînant l'activation des structures ). 500 millions de degrés si on fonctionne au mélange Lithium Hydrogène ( léger ) . Un milliard de degrés si on fonctionne au mélange Bore Hydrogène ( léger ).

Jusqu'au printemps 2005 ces deux dernières températures semblaient relever de la fiction, ou pour reprendre l'expression favorite d'un journaliste aéronautique, au connaissances de physique plus qu'incertaines, du "délire technologique.

Dans les trois cas de figure on crée un plasma d'hélium, dont les noyaux sont électriquement chargés. Ce plasma est totalement ionisé. En employant un "mot savant" on dira que ce plasma travaille à "Nombre de Reynolds magnétique très élevé".

Dans les Tokamak il en est de même. Dans ce cas le champ magnétique était conçu, dimensionné pour être capable de s'opposer avec succès à l'expansion, à la diffusion du plasma

s l'effet de sa propre pression. Ici c'est le champ magnétique qui "perd la partie" et "cède du terrain". Le plasma de fusion peut se détendre et se refoidir, à tel point qu'au terme de cette expansion l'hélium se désionisera. La "compression du champ magnétique" est synonyme dans le solénoïde de courant induit et c'est soius cette forme que se manifestera l'énergie électrique engendrée par la machine. On pourra exploiter la chaleur résiduelle, d'une contribution minime, à l'aide d'une "machine termique". En bout de ligne on pourra utiliser le produit de réaction pour gonfler des ballons dirigeables, qui auront l'avantage de ne pas être inflammables. L'hélium, qui avant le développement d'une telle technique reste un produit hyper-cher ( presqu'exclusivement produit aux USA à partir de roches ) trouverait alors un grand nombre d'applications technolgiques. C'est un gaz léger. Comprimé, il pourrait constituer un réservoir d'énergie, non explosif, pour une motorisation. Doté d'une forte conductivité thermique il trouverait grâce à cela nombre d'applications technologiques, voire domestiques. L'hélium a les avantages de l'hydrogène, moins la dangerosité de celui-ci.

Dans un tokamak le champ magnétique se comporte comme " une enceinte invisible assurant le confinement du plasma". Dans un générateur à induction ce même champ magnétique joue le rôle d'un "piston invisible", l'ensemble constituant un générateur électrique fournissant du courant alternatif, sans pièces mobiles, avec un excellent rendement ( 90 % ).

Ceci n'est qu'un article de sensibilisation, et je ne rentrerai pas dans les détails techniques, ce qui m'obligerait à me lancer dans une initiation en règle à la physique des plasmas et à la MHD ( discipline délaissée en France depuis 30 ans, comme chacun sait, au point que lors que ceux à confie la charge de tenter de remettre celle-ci sur ses rails se rendent en Russie, un des hauts lieux de la MHD au plan international "il ne savent pas quelles questions poser" ).

Dans une installation à caractère industriel on pense aussitôt aux condensateurs en tant que système de stokage de l'énergie. C'est le sytème qui sert de base à la Z-machine de Sandia.

 

 

La Z - machine de Sandia, Nouveau Mexique

 

Diamètre : 33 mètres. Foinctionne comme un " compresseur électromagnétique". Détail : cette machine n'avait absolument pas été conçue au départ comme un générateur d'énergie, ni même comme une machine où l'on aurait recherché les très fortes températures susceptibles de déboucher sur une fusion "inertielle", de brève durée, en fin de compression. Cette machine avait un but simplement militaire. Elle avait été conçue comme un générateur de rayons X de très forte puissance.

Pourquoi ? Parce que les armes anti-missiles sont essentiellement des bombes atomique que l'on fait exploser dans la haute atmosphère, sur la trajectoire (balistique) des têtes nucléaires de "l'attaquant". En explosant, ces bombes crachent 80 % de leur énergie sous forme de rayons X. On espère alors que ces rayons seront suffisamment puissants pour détériorer les sytèmes de guidage et de mise à feu de têtes. Inversement on tente de créer des têtes "durcies", dotées d'un blindage qui leur permettent de résister à cet intense flux de rayons X. Le cahier des charges des gens de Sandia était donc le suivant :

- Faites nous une source de rayons X la plus puissante possible, émettant dans un volume assez grand pour qu'on puisse placer à proximité des matériels, y compris des têtes nucléaires complètes, afin d'évaluer leur capacité à résister aux armes antimissiles.

Comment fabrique-t-on des rayons X ? Historiquement on charge une cathode d'émettre des électrons que l'on accélère à une vitesse suffisante pour qu'en venant frapper une anode, les atomes de celles-ci s'excitent et émettent ce type de rayonnement. Mais de tels systèmes délivreraient des puissances totalement insuffisantes pour que ce rayonnement puisse être utiliser pour tester les têtes nucléaires. Les gens de Sandia ont donc envisagé de comprimer des éléments métalliques de manière que la température atteinte fasse que ceux-ci se comportent en émetteur de rayons X.

Les premiers essais sont satisfaisants. La machine émet des dégelées qui satisfont les militaires. Puis, en 1998 la température obtenue atteint 1,6 millions de degrés. Voir :

http://www.sandia.gov/media/z290.htm

 

Issu du service de diffusion des laboratoires Sandia, 1998 : 1,6 millions de degrés !

 

Si vous lisez l'article vous y verrez que ses auteurs insistent sur la forte puissance rayonnées dans la gamme de X. Accessoirement la température de la cible est montée à 2,2 millions de degrés, mais "en moyenne" ça tourne autour de 1,6 millions de kelvin. On se met à parler un peu de fusion, mais sans trop y croire. En fait ça n'est pas la première fois que des chercheurs tentent d'obtenir des fortes température en tentant de faire imploser sur elle même une cible circulaire. Claissiquement c'est une portion de cylindre qu'on appelle un "liner". Je manque de temps aujourd'hui pour évoquer toute cette démarche où les Russes ont joué un rôle de premier plan, suivis par l'équipe de Fowler à Los Alamos. Mais jusque là ces gens avaient utilisé un "liner" continu. Le but était de faire passer dans ce mince cylindre une très forte intensité, se chiffrant d'abord en millions d'ampères, puis en dizaines de millions d'ampères ( 20 millions d'ampères dans la Z-machine). Cette nappe de courant crée un champ magnétique qui réagit sur le matériau lui-même, à travers un système de forces radiales, centripètes, en le faisant tendre vers son axe. Mais cette nappe de courant tend à être instable. Corollaire : le cylindre n'implose pas sur son axe mais ... n'importe comment. Souvent en un point situé à 1 cm de celui-ci ! ( dimension des liners Russes : 6 cm de diamètre, un centimètre de hauteur ).

A Sandia les chercheurs ont remplacé le cylindre par une nappe de fils très fins qui vont évidemment se trouver volatilisés au cours de l'opération, transformés in fine en un "rideau de plasma". Mais la strture initiale garantit au processus une meilleur axisymétrie, donc une meilleure focalisation. Deeney, maître d'oeuvre du projet, se prête à rêver de voir un jour sa machine atteindre des températures comparables à celles atteintes dans les tokamaks, frôlant les cent millions de degrés.

Et là c'est c'est la surprise générale, l'inattendu. En mai 2005 l'implosion du "liner à fils" s'effectue si bien que la température atteinte en fin de compression dépasse les ... deux milliards de degrés ! Une température qui n'avait jamais été atteinte, même dans les engins thermonucléaires les plus puissants. Qu'est-ce qui a changé ? Deeney a un peu accru de diamètre du liner : 8 cm au lieu de cinq. Par ailleurs les quelques centaines de fins fils de tungstène ont été remplacés par de l'inox.

 

Voici la page d'annonce, daté du 8 mars 2006 émanant du laboratoire Sandia lui-même, annonçant l'exploit :

 

 

On vérifie, on refait n fois la manip, les mesures. Le résultat tombe : celui-ci est bien réel. Il ne s'agit ni d'un artefecat, ni d'une erreur de mesure. Les capteurs sont nombreux et précis. En outre l'énergie totale émise sous forme de rayons X se révèle être quatre fois supérieure à l'énergie cinétique communiquée aux tiges pendant les cent nanosecondes que dure l'implosion. Malcom Haines, directeur du laboratoire anglais de Physique des Plasmas de Cambridge se voit communiquer ce résultat, sans aucune censure. La lente montée en température de la Z-machine avait fait que personne n'avait songé à installer le filtre d'un secret-défense vis à vis des résultats obtenus. Ca n'est, après tout, qu'une bête machine à créer des rayson X pour tester la résistance des ogives, non ?

Haines, sympathique savant Cosinus de l'équipe, que je connais de longue date ( 1976 ) compose un papier qu'il envoie à Physical Review Letters, qui le publie le 24 février 2006.

 

 

La revue publie l'article sans se poser de question. Ma foi, en anglais " million " s'écrit de la même façon qu'en français et "milliard" s'obtient en changeant le m en b, ce qui donne : billion.

Quelques sites Internet mentionnent cette étrange nouvelle :

On vient de créer en laboratoire la plus forte température réalisée à ce jour

Science et Vie et Science et Avenir reprennent cette info sur cinq lignes, sans la commenter. Depuis trois mois rien dans le monde des Sciences, rien dans Pour la Science ( qui n'est que l'écho francisé de Scientific American, qui ne semble pas non plus s'émouvoir d'une telle percée ). Rien dans la Recherche. C'est le "silence radio général".

On peut voir plusieurs raison à cette absence de réaction.

- Beaucoup de gens ne percoivent pas la portée de ce résultat extraordinaire
- Ses implications gênent énormément les " nucléocrates " ( projet Mégajoule et Iter ). En effet ils remettent totalement en question les projets "dominants". Or ces mêmes nucléocrates tiennent en main les médias-sciences.
- Les implications militaires ne sont perçues qu'après coup par les responsables du projet. Personne n'a eu le réflexe de rabattre sur ce résultat le couvercle du secret-défense. Mais c'est trop tard, "le chat est hors du sac", comme disent les anglo-saxons.

Pour moi, comme pour les spécialistes, Français ou étrangers avec qui j'ai eu des contacts, il est évident que la fusion est au bout du chemin. Il suffit de placer par exemple une aiguille d'hydrure de lithium au centre de la "cage à serin", ou une fine baguette de deutérium-tritium solidifié ( qu'on sait fabrique de longue date ) pour déboucher sur des expériences lourdes de conséquences, sur une émission de noyaux d'hélium, faciles à identifier.

Pour l'humanité c'est la source d'énergie, illimité, non polluante, non-radioactive, la machine qui peut changer toute l'organisation et la politique de notre planète, en peu d'années ( ...)

Pour les militaires c'est la bombe H et la bombe à neutrons à la portée des pays les plus modestes, la dissémination incontrôlable de l'arme thermonucléaire (...). Une machine comme celle de Sandia coûte à peu près le centième de celui d'un tokamak comme ITER.

 

Les principes de base des machines MHD

 

 


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