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Jeudi 16 Février 2012 :

 

Au boulot

L'espérance de vie en bonne santé a baissé en France

Par Gérard Filoche,

inspecteur du travail.

On savait déjà qu'aux États-Unis, l'espérance de vie avait décliné d'un mois entre 2007 et 2008, passant de 77,9 ans à 77,8 ans. C'est imputable, dans le pays le plus riche du monde, à une dégradation de l'état de santé général : les trois premières causes de mortalité sont les maladies cardiaques, le cancer et les maladies respiratoires. Or elles frappent partout. On sait aussi qu'en Allemagne l'espérance de vie des plus pauvres est tombée de 77,5 ans en 2001 à 75,5 ans en 2011. Maintenant, on a un premier signe en France : l'INSEE révèle que pour les hommes, l'espérance de vie en bonne santé a baissé de 63 ans a 62,4 ans entre 2007 et 2008. est-ce surprenant ? Repousser l'âge de la retraite au-delà de 60 ans va contre l'espérance de vie pour ceux qui sont soumis au travail jusqu'à 65, 67,70 ans. La biologie du corps humain est inchangée entre 55 et 65 ans et sa souffrance augmente autant que les charges de travail : la pénibilité physique et mentale s'intensifie. Entre 55 et 60 ans, 2 maladies sur 3 sont liées au travail, entre 60 et 65 ans, c'est 3 maladies sur 4.

Vous voyez un vieil instituteur de 62 ans devant ses élèves ? Un chauffeur livreur à 65 ans ? Une femme de service de nettoyage à 61 ans ? Un cadre angoissé de 60 ans placé en compétition avec des jeunes cadres ? Et un ouvrier du bâtiment de 55 ans devant son marteau piqueur ? Une infirmière qui recherche votre veine à 61

ans ? Dix millions de salariés sur 23 millions d'actifs occupés ont des horaires atypiques (5 millions, dont 2,3 de nuit), portent des charges (5 millions) et les autres subissent un management brutal (burn-out, suicides, harcèlement, stress, troubles psychosociaux). 100 000 hommes et 50 000 femmes meurent entre 60 et 62 ans : avec 41 ou 42 annuités. Ils mourront sans un seul jour, une seule semaine, un seul mois de retraite après avoir cotisé toute leur vie. Du coup, 2 salariés sur 3 sont licenciés, malades, inaptes ou au chômage à partir de 55 ans. La moyenne réelle dans la vie réelle des annuités cotisées en France est de 36 annuités. Cette moyenne a baissé depuis 10 ans et descend vers 35 annuités. Le chômage des seniors s'accroît de 20 % par an. Ceux qui n'atteignent pas les annuités pour la retraite restent inscrits au chômage. Alors à quoi ça sert de vouloir fixer les annuités à 41 ou 42 ? Le seul résultat est de faire baisser le niveau des retraites à coup de « décotes » ? Au lieu de prendre la référence aléatoire de l'espérance de vie, il faut prendre un critère réel : le nombre moyen d'annuités réellement cotisé par les salariés. Par exemple, si la moyenne réelle des annuités cotisées par les salariés est de 35 annuités, la référence retenue pour une retraite à 60 ans sans décote doit être de 35 annuités (comme en Allemagne, Italie, Espagne), si elle est de 36 cela doit être 36, si elle monte à 37, cela doit être 37... Partir des liens entre santé, emploi et retraite.

(L'Humanité dimanche)

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