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Propagandes mensongères contre les produits laitiers

Publié en ligne le 24 novembre 2011 - Alimentation -
par Jean-Marie Bourre

Les aliments, ceux qui les produisent et les vendent ainsi que ceux qui en parlent (les nutritionnistes notamment), sont fréquemment attaqués de manière injuste et abusive, avec des arguments qui n’ont rien de scientifique, malgré les apparences. Ainsi, les détracteurs du lait et des produits laitiers utilisent deux séries d’arguments. L’une relève de l’utilisation erronée ou abusive de données scientifiques et médicales, épidémiologiques et statistiques : elle foisonne de propos pseudo-scientifiques. L’autre série d’assertions présente quelques allégations (parmi de nombreuses) qui ne reposent sur aucun support scientifique : on peut les qualifier de fantaisistes. Toutefois elles bénéficient malheureusement d’une certaine influence auprès des consommateurs.

Utilisation dévoyée de travaux sérieux

1. Sélection de quelques références favorables

La Laitière. Johannes Vermeer (1632–1675)

L’intérêt majeur de la consommation des produits laitiers réside dans leur contenu en calcium qui assure une meilleure ossification. Cette observation (calcium laitier et ossification) a déjà été présentée dans Science et pseudo-sciences (Guéguen, 2008). Mais il reste possible d’élargir l’argumentaire. Une vaste méta-analyse sélectionnant 139 publications, réalisée en 2000 (Heaney, 2000), conclut à l’effet bénéfique des produits laitiers sur la masse osseuse. En 2005, en revanche, et de manière étonnante, alors même que la bibliographie est devenue plus riche, une autre méta-analyse ne retient que 37 publications, pour conclure à l’inefficacité (Lanou, 2005). Elle est réalisée sous l’égide du PRCM 1, principalement constitué de non-médecins ou de personnes dépourvues d’attaches universitaires ou hospitalières. Elle porte essentiellement sur les enfants et les adolescents. Elle est évidement contredite par d’autres travaux (Kalkwarf, 2003 ; Chevalley, 2005 ; Matkovic, 2005). Une troisième étude (Weinsier, 2000) est aussi fréquemment mise en avant par les détracteurs du lait, mais dans ce cas il s’agit d’un véritable détournement de résultats. En effet, bien que ne retenant que 57 publications, elle conclut à l’absence d’effet pour 52 % d’entre elles, de résultats favorables pour 42 % et finalement défavorables à hauteur seulement de 5 %. Ce chiffre de 5 % est retenu par nombre de détracteurs du lait, pour être qualifié de représentatif de la majorité des études.

En réalité, l’apport de calcium (donc la consommation de produits laitiers, car en France, ils fournissent environ 60 % de nos apports) est en relation avec la calcification, la densité osseuse et la réduction du risque d’ostéoporose (Rizzoli, 2010). En pratique, une augmentation de 5 à 10 % de la masse osseuse lors de la croissance réduit d’environ 50 % le risque de fracture ultérieure. En France, comme ailleurs, la consommation de lait (plutôt que les autres sources de calcium) est associée à de meilleures minéralisation et densité minérale osseuse (Esterle, 2009). Le pic de minéralisation osseuse se situe entre 18 et 25 ans, il faut qu’il soit optimum, car la femme a perdu en moyenne 40 % de sa masse osseuse à 70 ans (avec des différences importantes selon les modes de vie) et l’homme 20 %. Il convient cependant de ne pas faire porter à l’alimentation tout le poids de la qualité osseuse. Cette dernière est pour 60 % environ sous contrôle génétique, l’alimentation étant en revanche capitale pour les 40 % restants. Les détracteurs du lait considèrent l’os comme relativement inerte, oubliant qu’il est un tissu vivant renouvelé entre 3 et 4 fois dans l’espace d’une vie humaine. Son entretien, son renouvellement et le maintien de son efficacité reposent largement sur l’alimentation (et l’exercice physique).

2. Confusion entre corrélation et causalité

Une corrélation statistique entre deux facteurs n’autorise jamais à conclure à une relation de cause à effet. Les détracteurs du lait notent que les Suédois, qui consomment beaucoup de lait, ont également beaucoup de fractures, ce qu’ils interprètent comme une preuve des méfaits des produits laitiers. Le fait que, dans ce pays, on parle massivement le suédois pourrait aussi en constituer une cause. Un travail, dont les conclusions sont travesties par les détracteurs, souligne que l’intolérance au lactose s’accompagne d’une réduction de l’ingestion de lait, par conséquent de calcium, ce qui induit des problèmes osseux (Honkanen, 1997). Il reste vrai qu’en Suède, où la chose a été spécialement étudiée, les 2/3 des personnes âgées souffrant d’une fracture du col du fémur ingèrent suffisamment de calcium (Cho, 2008) mais les enquêtes alimentaires ne portent que sur les 6 derniers mois d’alimentation de sujets le jour de leur interrogatoire, et ne tiennent pas compte de la consommation quand elles étaient jeunes, ni de la qualité de leur pic de minéralisation osseuse ; elles ne prennent pas en compte les autres facteurs de risque. L’ossification est alors abusivement résumée à la consommation de calcium, qui n’est que l’un des facteurs impliqués.

3. Corrélations opportunément choisies transformées en causalités

En Nouvelle-Guinée, et en Chine, l’ostéoporose serait rare et la consommation de lait faible. La banque de données MedLine ne compte que deux publications utilisant les mots « Papua, New Guinea », comment les détracteurs du lait peuvent-ils en tirer la moindre conclusion ?... Ceux qui affirment que l’Asie et l’Extrême-Orient (prétendus faibles consommateurs de lait, ce qui est du reste faux pour nombre de pays, dont le sous-continent indien, bien que sa consommation soit actuellement jugée très insuffisante pour des motifs économiques) souffrent peu d’ostéoporose et de fractures, oublient plusieurs faits incontestables. D’abord, l’espérance de vie y est encore limitée, ce qui empêche la maladie de se démasquer. Ensuite, les structures de dépistage et de soin y sont pour le moins rares, interdisant toutes statistiques sérieuses ; bref, en l’absence de thermomètre, il est difficile de mesurer une fièvre ! La Chine est invoquée : les fractures du col du fémur et du poignet, ainsi que les tassements vertébraux, y sont nombreux et invalidants. En réalité, les observations réalisées par des Chinois, sur des Chinois et en Chine, en particulier chez les adolescents, démontrent que leurs besoins en calcium (Yin, 2010) sont proches des nôtres (Guéguen, 2001) ; ils estiment que la consommation actuelle de ce minéral est jugée très insuffisante. En conséquence, ce pays lance désormais de grandes distributions de lait dont les effets sont positifs (Zhang, 2010), ce que l’on constate en mesurant la densité minérale osseuse (Chan, 2009). Chez les femmes enceintes et qui allaitent, il y a réduction de la résorption osseuse, d’autant que leur consommation de calcium est habituellement basse (Liu, 2010).

Négations de réalités alimentaires, nutritionnelles et physiologiques

1. Occultation de la présence de nutriments autres que le calcium

Ne serait-ce que par rapport à l’ossification, l’intérêt des produits laitiers ne se restreint pas au calcium : 30 % du volume osseux est constitué de protéines, « squelette » de l’os. Or, les protéines laitières sont d’excellente qualité nutritionnelle, équilibrée entre « protéines lentes » et « rapides » (Boirie 1997), entre protéines solubles et caséines (Lacroix, 2006). Ces protéines assurent aussi, entre autres, une bonne musculature. Les produits laitiers contiennent de surcroît nombre de vitamines et d’oligo-éléments ; ils constituent une des principales sources de sélénium et de zinc, socles de fonctions anti-oxydantes majeures. Les produits laitiers apportent en outre de l’iode et des oméga-3 (d’autant plus précieux pour ceux qui mangent trop peu de poissons et de fruits de mer). Les produits laitiers contiennent aussi nombre d’autres composants bénéfiques à la santé, en particulier des peptides, y compris pour faciliter le sommeil... L’enquête CCAF 2007 (CCAF, 2007) montre une carence (moins de 2/3 des ANC) concernant environ 30 % des Français pour le calcium, 48 % pour l’iode, 23 % pour le zinc. Par ailleurs, plus de 80 % des Français manqueraient de vitamine D.

2. Pseudo-biochimie et physiologie approximative

Un exemple flagrant concerne la biodisponibilité des nutriments présents dans les aliments, c’est-à-dire leur transfert depuis le contenu intestinal vers le sang et les organes qui les utilisent. Concernant le calcium, une biodisponibilité limitée à seulement 35 % disqualifierait les produits laitiers. C’est oublier que la biodisponibilité des nutriments ne s’élève que très rarement à 100 %. Celle du fer des lentilles, par exemple, n’est que de 3 % alors qu’elles sont largement recommandées. Les produits laitiers sont incontournables (Pointillard, 2006), entre autres, pour le calcium : leur éviction suffit à enfoncer les Français dans une situation de déficit, car tous les autres aliments cumulés sont insuffisants pour couvrir les besoins (Guéguen, 2008). Quoiqu’en disent certains, la « panacée » de l’aliment riche en calcium alimentaire n’est pas la sardine en boîte (avec ses arêtes), car elle s’avère beaucoup trop calorique à dose utile. Certes, les crucifères contiennent du calcium, mais substituer au verre de lait un kilo de choux est pour le moins inhabituel au petit-déjeuner. En tout état de cause, par rapport à celle des produits laitiers qui est la référence, la biodisponibilité du calcium des végétaux est moins bonne, voire nettement plus faible quand ils contiennent simultanément des phytates (ou encore, sans doute plus défavorable, des oxalates, tous deux des anti-aliments pour l’homme), qui réduisent l’absorption intestinale de tous les minéraux et oligo-éléments, dont évidemment le calcium (Weaver, 1999 ; Guéguen, 2000 ; Nordin, 2010). On peut évaluer l’efficacité de l’absorption du calcium des aliments et des compléments alimentaires, par des indices qui prennent en compte l’évolution de la calcémie (quantité de calcium dans le sang) induite par leur ingestion (Heaney, 2005). Les eaux minérales calciques sont intéressantes, mais à la condition qu’elles ne soient pas trop riches en sulfates... Restreindre la consommation de produits laitiers ne peut qu’aboutir à des déficits, voire des carences en calcium, sources de maladies, incompatibles avec la bonne santé et le bien-être. En pratique, la quantification de la biodisponibilité d’un nutriment donné, notamment pour le calcium, reste difficile, car elle dépend de multiples facteurs : l’âge, le sexe, l’état physiologique, le niveau d’exercice physique, la présence d’autres nutriments (favorables – la vitamine D au premier chef – ou bien inhibiteurs), la nature des aliments accompagnant celui qui est riche en calcium (Abrams, 2010). Il a même été proposé des carottes génétiquement modifiées légèrement enrichies en calcium (Morris, 2008), mais est-ce cela que le consommateur attend ?

Les détracteurs considèrent que les besoins en calcium sont surestimés et que le lait n’est donc pas indispensable. Les apports calciques conseillés font pourtant l’objet d’un bon consensus international et il n’y a pas de justification à leur remise en cause (Guéguen, 2006).

3. Cancer de la prostate oblige, les hommes devraient éliminer de leur alimentation les produits laitiers à partir de 50 ans

L’excès majeur de consommation de calcium (certaines études montrent un effet au-delà de 2 000 mg/j, toutes sources alimentaires confondues) pourrait éventuellement être en cause dans le cancer de la prostate (Giovannucci, 2006). En tout état de cause, le principal auteur de cette observation (Walter Willett), avec de nombreux autres scientifiques et médecins, affirme dans le volumineux rapport du WCRF (WCRF, 2007) que rien ne permet d’incriminer les produits laitiers en eux-mêmes dans cette pathologie. Sans oublier que la consommation de produits laitiers est liée à une diminution du risque de cancer colo-rectal de 15 % à 40 % selon les études (Cho, 2004 ; Kesse, 2005 ; Larsson, 2006 ; Park, 2007), et probablement du cancer du sein (Parodi, 2005 ; Kesse-Guyot, 2007). Le danger, peu documenté pour le moment, doit-il occulter les réels bénéfices ? Le danger, s’il était établi, porte sur une très grosse consommation. Une consommation de 2 000 mg/j est très rare, elle est observée, par exemple, aux États-Unis chez les énormes consommateurs de lait (plusieurs litres par jour).

4. Transpositions exagérées dévalorisantes : les produits laitiers feraient grossir

Affirmations gratuites, intuitivement exactes en cas de surconsommation (comme il en est avec tout aliment). En réalité, chez les faibles consommateurs de produits laitiers, chaque portion (volume moyen et habituel dans la population) réduit de 9 % le risque de diabète de type 2 (Choi, 2005). Nombre d’études, dont celles qui portent les acronymes de Cardia (Pereira, 2002), Desir (Mennen, 2000) et Monica, ont montré une réduction de 40 à 72 % du risque de syndrome métabolique 2 chez les consommateurs de produits laitiers. La réduction du risque d’hypertension est particulièrement notable, y compris en France (Ruidavets, 2006). Donc, dans le cadre d’une alimentation diversifiée, la présence de produits laitiers empêche de grossir, dans une certaine mesure ; mais elle ne fait pas maigrir après avoir pris du poids.

5. Confusion entre allergie (aux protéines) et intolérance (au lactose)

Le lait renversé.
Thomas Prichard Rossiter (1817-1871)

L’intolérance au lactose repose sur des mécanismes physiopathologiques totalement différents de l’allergie (avec laquelle la confusion est pourtant souvent entretenue). Elle est due à un déficit partiel en une enzyme, la lactase, métabolisant le lactose au niveau de l’intestin grêle. Déficit partiel ne signifie pas absence totale ; par conséquent, l’hypolactasie n’interdit pas, chez la plupart des sujets, la consommation de quantités modérées de lait, par petites fractions répétées. Elle n’empêche pas la consommation de yaourt (les probiotiques digérant ce lactose) ni de fromages affinés (qui ne contiennent quasiment plus de lactose) (Marteau, 2005). Le lactose non digéré dans l’intestin grêle se comporte comme une fibre au niveau du côlon, y est donc fermenté, provoquant éventuellement inconfort, ballonnement, douleurs abdominales, comme ce peut être le cas avec le pain, les oignons, etc.

L’allergie aux protéines de lait de vache, quant à elle, touche environ 3 % des jeunes enfants, elle implique l’éviction de toute protéine laitière (y compris de brebis et de chèvre en raison du risque d’allergie croisée). Cette allergie guérit avant l’âge de 6 ans dans 90 % des cas. Elle est rare chez l’adulte, chez qui le lait se positionne en 15e position dans la liste des allergènes alimentaires, bien loin derrière les prunoïdées, le groupe latex, les ombellifères, les fruits à coque et les céréales (CICBAA, 2005).

6. Mise en avant de dangers non démontrés, voire imaginaires

Malgré les recherches très actives, restent encore malheureusement inconnues les causes d’un grand nombre de pathologies (60 % des cancers, la plupart des maladies neurologiques et psychiatriques, etc.). Hélas, dans nombre de cas, la médecine ne traite que les symptômes. Il est donc facile d’incriminer a priori toutes sortes de comportements, y compris et surtout alimentaires. Pour certains aliments, l’absence de leur consommation, ou, à l’opposé, leur simple absorption, ont été mises en avant. Compte tenu des connaissances actuelles, voire de l’absence d’études sérieuses, il est donc faux d’affirmer que les produits laitiers sont source de baisse de la fertilité masculine, ou qu’il faille les supprimer en cas d’autisme, de polyarthrite rhumatoïde, d’otites et de rhinites. L’AFSSA a d’ailleurs attiré l’attention dans un récent rapport sur l’inutilité et les risques potentiels (nutritionnels et renforcement de l’isolement) des régimes sans caséine et sans gluten chez l’enfant autiste (AFSSA, 2009). Par ailleurs, pour invalider la rumeur ORL, il a fallu que des chercheurs publient dans une excellente revue internationale des résultats de pesées de mouchoirs (constatant que les écoulements ne sont pas en relation avec la consommation de lait ni de produits laitiers), et réalisent une étude d’intervention, avec du jus de soja ou du lait, tous deux parfumés identiquement afin que le consommateur ne fasse pas de différence (Innock, 1993). Consommés depuis fort longtemps, presque toujours et presque partout, les produits laitiers ont donc été mis en cause pour la quasi totalité des maladies.

Affirmations pseudo-scientifiques et pseudo-culturelles

Un grand nombre d’entre elles pourrait être relevé. Certaines, emblématiques, doivent être citées, d’autant qu’elles semblent rencontrer une écoute favorable chez nombre de personnes et même dans les médias.

1. La physiologie humaine ne serait pas adaptée à un apport important de calcium. Pseudo-biologie basée sur une affirmation spécieuse. En effet, nos ancêtres consommaient les arêtes de poissons, les os de petit gibier, les noix, les fruits secs ; mais aussi des insectes, des chenilles et des larves, comme cela se fait encore dans certaines régions du globe. Des études récentes ont montré que nos ancêtres préhistoriques avaient une ration calcique élevée, presque deux fois plus que la nôtre actuellement, soit environ 1 900 mg/jour (Eaton, 1997).

La fille avec un pot au lait
Boris Grigoriev (1886-1939)

2. Les allergies seraient au lait de vache, mais pas (ou beaucoup moins) aux autres laits. Proclamation captieuse. Dans le cadre de l’allergie, il existe une forte homologie (ressemblance dans la composition en acides aminés, leur nombre, leurs natures et leurs enchaînements) entre les protéines de lait de vache et celles de lait de chèvre, de brebis, et même de bufflonne. Cette vérité rend fréquemment illusoire de prescrire les laits de brebis et de chèvre aux véritables allergiques aux protéines de lait de vache. S’il est vrai que l’homologie entre les protéines de lait de vache et celles de lait de jument et d’ânesse est moindre (Restani, 2002 ; Järvinen, 2009 ; Vita, 2007), ces derniers restent généralement interdits par prudence en cas d’allergie avérée aux protéines de lait de vache car le risque d’allergie croisée persiste et ceci bien qu’ils soient plus riches en oméga-3. Les laits de femelle de bouquetin (la « chèvre des montagnes ») et de biche ont été testés (Katz, 2008). Le lait de chamelle a même été proposé (Restani, 2002 ; Shabo, 2005) : il peut, lui aussi, être source d’allergie voire de choc anaphylactique (Al-Hammadi, 2010). À ce propos, il a été affirmé que son lactose est utilisé par les humains déficients en lactase. Absurdité, car la molécule de lactose est toujours la même, quelle que soit son origine. Sinon, autant affirmer que la formule de l’eau pourrait, dans certains cas, ne plus être H2O selon son origine. La suspicion d’allergie doit être véritablement confirmée par un allergologue, car la réduction, ou la suppression du lait induit des problèmes de santé graves par déficiences en oligo-éléments ou en vitamines, surtout pour les enfants (Vieira, 2010), le calcium, la vitamine B2 (riboflavine) étant principalement concernés (Tuokkola, 2010), ainsi que le zinc, l’iode et le sélénium, parmi les oligo-éléments.

3. Nul n’a encore jamais vu une espèce de mammifère téter ou utiliser le lait d’une autre espèce. Raisonnement qui ravale l’Homme au rang des singes supérieurs, et surtout nie la spécificité humaine. En fait, seule l’espèce humaine a appris à traire les animaux. Pourquoi alors ne pas accepter que l’homme soit la seule espèce qui continue à boire du lait une fois passé à l’âge adulte ? Pour accréditer la thèse des contempteurs du lait, l’humanité, sous la plupart des latitudes, se serait-elle fourvoyée, en mettant à profit les produits laitiers, et ce depuis plus de dix millénaires ?

4. Le lait de vache serait indigeste pour l’homme. Proclamation dénuée de sens, sauf que quelques utilisateurs de cet argument n’hésitent pas à affirmer que boire du lait transformerait l’estomac humain en caillette ; bref l’homme deviendrait un ruminant ! Le lactose constitue le glucide (le sucre, les deux dénominations sont synonymes) du lait de tous les mammifères, depuis des millions d’années.

5. Le lait serait exclusivement réservé au petit de la femelle qui le produit, car il n’est adapté qu’à lui. Cette affirmation, teintée de finalisme, ne l’empêche pas d’être comestible pour l’homme, enfant ou adulte. Pourquoi la viande de la vache reste-t-elle bonne, alors que son lait serait à proscrire ? Avec ce type d’argument, on ne voit pas ce qui autoriserait la recommandation de consommation de n’importe quel aliment, y compris les végétaux.

6. Le lait est d’utilisation très récente dans l’histoire de l’humanité, par conséquent il ne serait pas adapté au patrimoine génétique de l’homme. Argument fallacieux. Leurs utilisateurs condamnent aussi les céréales, surtout lorsqu’elles sont raffinées. Mais que dire alors des pommes de terre, végétal socle de l’une des gloires de Parmentier, elles qui ne datent que du XVIIIe siècle en Europe ? Comment accepter de consommer du maïs et des tomates, du chocolat qui n’ont que trois ou quatre siècles, la majorité des aliments actuels, arrivés du Proche-Orient, d’Amérique et d’Asie depuis moins de 2 000 ans ? Sans omettre ceux d’introduction très récente, comme les kiwis et autres produits plus ou moins exotiques. C’est oublier que le lait est collecté depuis plus de dix mille ans ; il est probable que son utilisation fut la conséquence de l’imagination du cerveau humain : manger des produits animaux, sans avoir à tuer, bénéficier donc d’une production régulière et contrôlée. Les premiers enclos ont sans doute été inventés pour enfermer les animaux et y traire leur lait, plutôt que de les parquer avant de les manger.

Une vache à l’abreuvoir.
Julien Dupré (1851-1910)

Conclusion

Cela reste vrai dans tous les domaines, y compris et surtout celui de la nutrition et de l’alimentation : le réel danger réside dans les comportements extrêmes. Soit l’excès, car il est notamment dangereux au titre de l’excès lui-même, mais aussi en conséquence de la négligence induite d’autres classes d’aliments. Soit, à l’inverse, la suppression injustifiée de classes d’aliments, des produits laitiers en l’occurrence, ce qui prive de leurs apports spécifiques en nutriments, calcium et zinc au premier chef, mais aussi autres vitamines et oligo-éléments, protéines de qualité. Chaque classe d’aliments possède sa spécificité et apporte préférentiellement un ou plusieurs nutriments, aucune ne doit être négligée. Il est beaucoup plus dangereux pour la santé de supprimer les produits laitiers que d’en consommer. Consulter les tables de composition, lire les publications scientifiques et médicales, tout montre sans équivoque que le lait n’est pas... une vacherie ! Les recommandations, notamment celles du PNNS (Programme National Nutrition Santé) ne sont pas exagérées : 3 produits laitiers quotidiens. C’est, en pratique et tout simplement par exemple, un verre de lait le matin, un yaourt le soir et une part d’environ 30 g à 50 g de fromage à midi (ce qui ne représente, à titre de comparaison, qu’environ 1/6 à 1/8 de camembert ; quoiqu’il conviendrait de raisonner en portion calcique équivalente, plutôt qu’en part, car les quantités de calcium pour 100 g de fromage sont très différentes, et varient de 1 à presque 10)... L’homme doit consommer une grande variété d’aliments pour assurer sa physiologie, car il est intrinsèquement omnivore. Si la santé n’a pas de prix, elle a un coût : celui des aliments de qualité. Respecter la diversité nécessite d’inclure les produits laitiers qui, le plus souvent, ont l’avantage de n’être pas onéreux.

Remerciements. Le Professeur Léon Guéguen est vivement remercié pour ses avis, ainsi que pour la relecture de ce manuscrit.

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1 Physician Committee for Responsible Medicine ou végétaliens.

2 Le syndrome métabolique se déclare dès que 3 paramètres sont présents parmi 5 : tension supérieure à 13/8,5, glycémie supérieure à 1,1g/l, HDL cholestérol (« bon cholestérol ») inférieur à 0,4 g/l pour les hommes ou 0,5 g/l pour les femmes, triglycérides sanguins supérieurs à 1,5 g/l, tour de taille supérieur à 102 cm pour les hommes ou 88 cm pour les femmes.