Les forces de l'ordre ont rouvert plusieurs dépôts pétroliers, vendredi 15 octobre, alors que l'ensemble des douze raffineries françaises étaient en grève, selon les syndicats. Premier à être débloqué par les CRS, le dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer, particulièrement stratégique. Les forces de l'ordre sont restées sur place pour sécuriser le site, selon la préfecture des Bouches-du-Rhône. Par la suite, le blocage des docks pétroliers d'Ambès, à Bassens, a été levé, tout comme le dépôt de carburant Total de Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme).
Le secrétaire d'Etat aux transports, Dominique Bussereau, a justifié le déblocage par les forces de l'ordre par la nécessité d'éviter toute pénurie d'essence. "On ne peut pas se permettre une pénurie d'essence, il faut penser à toutes celles et tous ceux d'entre nous qui ont besoin de se déplacer (...), aux entreprises, aux transporteurs routiers, tout ce qui fait la vie de notre pays, d'où ces décisions" de lever les blocages, a-t-il déclaré sur Europe 1.Selon l'Elysée, la décision a été prise, jeudi soir, par la présidence. "La volonté, c'est de garantir un approvisionnement correct" pour toutes ces personnes, a ajouté le secrétaire d'Etat sur RMC. "Il n'y aura pas de problème d'approvisionnement en cette fin de semaine."
Dans le même temps, d'autres dépôts pétroliers ont été bloqués, certains temporairement. Des étudiants de l'université Rennes-II et des chômeurs ont occupé celui de Vern-sur-Seiche, en Ille-et-Vilaine, avant de quitter les lieux calmement. A Rouen, un autre dépôt pétrolier était fermé, tout comme au Mans et à La Rochelle. Des cheminots CGT et des salariés du dépôt de carburant Total de Lespinasse, près de Toulouse, ont également bloqué le site, avant que la police le rouvre. Enfin, dans le Calvados, la gendarmerie signale que deux dépôts pétroliers sont bloqués : l'un à Caen, l'autre à Ouistreham. La France compte près de cent soixante dépôts sur le territoire.
48 HEURES DE STOCK POUR ROISSY
Ces actions ont déjà des conséquences sur l'approvisionnement dans certaines parties du pays. Ainsi, l'oléoduc qui approvisionne en carburant les aéroports franciliens d'Orly et de Roissy et les terminaux de Coignières (Yvelines), Orléans (Loiret) et Tours (Indre-et-Loire) ne fonctionnait plus, vendredi matin, faute de produits pétroliers. "L'aéroport d'Orly a dix-sept jours de stocks de kérozène", affirme la société Trapil, qui gère le pipeline. L'aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle ne disposerait quant à lui plus que de "quarante-huit heures de stocks", et la direction de l'aviation civile a recommandé aux avions venant de l'étranger de prendre assez de carburant pour le retour, selon des informations vendredi de La Tribune.fr. "Shell n'a plus de carburant à Roissy, Total est presque en rupture de stocks, mais ENI en a encore. […] Les compagnies aériennes sont inquiètes. Air France en particulier", affirme le quotidien économique.
Plusieurs centaines de stations-service sont dépourvues de carburant, selon l'Union française des industries pétrolières (UFIP), qui précise que cela représente "moins de 10 %" des quelque 12 500 établissements français. Le groupe pétrolier Total faisait état, jeudi, de "150 à 160 stations-service fermées ou en rupture d'un produit ou de plusieurs produits". BP, qui gère 406 stations, ne signalait aucun problème. Selon l'UFIP, la possibilité de recourir aux stocks de réserve donne plus de flexibilité pour alimenter les automobilistes.
Dans les douze raffineries françaises, les salariés sont désormais tous en grève vendredi, selon la CGT et la CFDT. Toutes ont des problèmes d'approvisionnement en pétrole brut à cause des grèves dans l'énergie et leurs expédition sont bloquées. Selon la CGT du groupe Total, "il faut remonter à 1968 pour retrouver pareille mobilisation" de l'ensemble des raffineries françaises.
LE TERMINAL DE FOS EST STRATÉGIQUE
Avec une capacité de stockage de 860 000 mètres cubes de produits chimiques et raffinés, le dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer est le plus important de la région. Il est primordial pour l'alimentation des pompes à essence de la région car les quatre raffineries situées autour de l'étang de Berre sont privées de brut depuis le 27 septembre.
Le blocage des accès au dépôt de Fos avait été organisé jeudi matin par des agents portuaires et des salariés de la pétrochimie locale ou de l'aciériste ArcelorMittal, dont l'usine voisine le site. Selon la CGT, jeudi, il était "parti pour durer" et le syndicat menace toujours d'une pénurie de carburant et que les raffineries locales ne distillent quasiment plus de brut. Reste à savoir combien d'essence et de gazole contiennent encore les énormes cuves de Fos-sur-Mer, dont Total est un gros actionnaire. La CGT avait déjà temporairement bloqué l'accès à Fos le 7 septembre lors d'une action commune des agents portuaires – qui s'opposent à la création d'une filiale pour gérer les terminaux pétroliers de Fos et Lavera – et des salariés du raffinage, qui protestent contre un projet de dépôt pétrolier Oiltanking Mediaco, qui menace leur activité selon eux. Le conflit combine désormais des revendications liées à l'avenir de la filière pétrochimique locale et au projet de réforme des retraites.
Les manifestants doivent se retrouver dans la matinée pour décider de la suite de leur mouvement. L'Union française des industries pétrolières, qui craint une pénurie dès le 20 octobre, a réclamé le déblocage des stocks de réserve des distributeurs et l'importation de carburant pour les transporteurs routiers, ce que le gouvernement a autorisé. Ces réserves "représentent entre dix et douze jours de consommation", selon le secrétaire d'Etat aux transports, Dominique Bussereau, qui a répété, jeudi, que la France ne connaîtra pas de pénurie.
Pour en savoir plus :
- Consulter notre carte des raffineries en grève
- Lire le décryptage "Va-t-on vers une pénurie d'essence ?"
- Sur les stocks stratégiques pétroliers, consulter un repère détaillé par le ministère de l'écologie, de l'énergie et du développement durable
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