Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

223 Billets

2 Éditions

Billet de blog 13 avril 2020

Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

COVID-19 : Et si la solution se trouvait à Cuba ?

Malgré les lourdes sanctions américaines, Cuba distribue dans le monde entier un nouveau "produit miracle" capable de traiter le nouveau coronavirus. Le médicament, appelé Interféron Alpha-2B Recombinant (IFNrec), est développé conjointement par des scientifiques à Cuba et en Chine. Ce médicament s'est révélé efficace dans la lutte contre la pandémie de COVID-19.

Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Développé par l’industrie pharmaceutique cubaine, le médicament antiviral est produit par Changchun Heber Biological Technology, dans le cadre d’un accord de biotechnologie entre Cuba et la Chine.

Illustration 1

Bien qu'il ne soit ni un remède, ni un vaccin pour Covid-19, l'antiviral renforce le système immunitaire des patients.

Utilisés pour traiter de nombreuses maladies impliquant le système immunitaire, les interférons sont une famille de protéines naturelles. Deux types d'interférons sont à l'étude pour le traitement des cas graves de coronavirus COVID-19  : Interferon beta-1a et interferon alfa-2b. Ce sont ces derniers qui sont proposés par la pharmacopée cubaine pour traiter le virus mortel du SRAS-nCoV-2.

Le virus diminue le niveau d'interférons naturellement produits dans les cellules humaines. Le médicament, inversement, incite le corps humain à produire plus d'interférons. Les protéines sont produites et libérées par l'organisme en réaction aux infections; les interférons alertent ensuite les cellules voisines pour augmenter leurs défenses antivirales.

Illustration 2
© Yamine Boudemagh

Cuba a d'abord utilisé ces techniques avancées d'interférons pour traiter la dengue dans les années 80. Puis ils ont connu un succès identique pour lutter contre d'autres maladies, notamment le SIDA, les hépatites B et C, entre autres.

D'après le Dr. Helen Yaffe, Professeur à l'université de Glasgow et spécialiste des économies cubaine et latino-américaines, au moins 15 pays ont contacté Cuba pour demander le médicament.

L'interféron alpha-2B recombinant n'a pas encore été approuvé pour traiter le Covid-19, mais son efficacité a été prouvée contre des virus similaires. 

Il a été sélectionné avec 30 autres médicaments pour traiter Covid-19 par la Commission Nationale Chinoise de la Santé. L'Organisation mondiale de la Santé a produit une étude sur le sujet. 

Malheureusement, les efforts ambitieux de Cuba contre la pandémie sont entravés par les sanctions américaines.

La levée du blocus aurait un impact extrêmement positif sur l'économie cubaine, principalement dans le secteur de la santé. Malgré le blocus, les médecins cubains travaillent dans 59 pays, tels que Grenade, la Jamaïque, le Nicaragua, le Suriname et le Venezuela, mais aussi... l'Italie. 

A Cuba, pays d'environ 11,5 millions d'habitants, GISAID a enregistré jusqu'à présent 669 cas et dix-huit décès. La plateforme GISAID est une initiative internationale qui recense toutes données relatives à toutes les formes de grippes dans le monde.

Illustration 3
© Yamine Boudemagh

Interféron Alfa-2B et la biotechnologie cubaine

L'interféron cubain Alfa-2B s'est avéré efficace pour les virus ayant des caractéristiques similaires à celles de COVID-19. Pour l'éminent biologiste de renommée mondiale, le Professeur Luis Herrera Martínez, son utilisation empêcherait l'aggravation et les complications de la maladie chez les patients au risque vital engagé. 

Cuba a développé et utilisé pour la première fois des interférons pour arrêter une épidémie meurtrière du virus de la dengue en 1981, et cette expérience a catalysé le développement de l’industrie biotechnologique cubaine et sa réputation mondiale.

La première entreprise de biotechnologie au monde, Genetech, a été fondée à San Francisco en 1976, suivie par AMGen à Los Angeles en 1980. Un an plus tard, le Biological Front, un forum interdisciplinaire professionnel, a été créé pour développer l'industrie à Cuba.

Alors que la plupart des pays en développement avaient peu accès aux nouvelles technologies, la biotechnologie cubaine s'est développée et a joué un rôle de plus en plus stratégique dans le secteur de la santé publique;  et cela malgré le blocus américain, qui a entravé l'accès aux technologies, aux équipements, aux matériaux, aux finances et même à l'échange de connaissances. La force de la biotechnologie cubaine repose sur sa rapidité en matière de recherche et d'innovation, comme le montre l'histoire de l'interféron cubain.

L'histoire internationale des interférons cubains

Les interférons sont des protéines de la famille des cytokines. Ils sont naturellement produits par les cellules du sytème immunitaire en réponse aux infections. Leur rôle est d'inciter les cellules voisines à renforcer leurs défenses antivirales. Ils ont été identifiés pour la première fois en 1957 par Jean Lindenmann et Aleck Isaacs à Londres. Dans les années 1960, Ion Gresser, un chercheur américain à Paris, a montré que les interférons stimulent les lymphocytes qui attaquent les tumeurs chez la souris. Dans les années 1970, l'oncologue américain Randolph Clark Lee a repris cette recherche.

Lors du réchauffement des des relations américano-cubaines, initié par le président américain Jimmy Carter, le Dr Clark Lee s'est rendu à Cuba, a rencontré Fidel Castro et l'a convaincu que les interférons pouvaient devenir le médicament miracle. Peu de temps après, un médecin cubain et un hématologue ont passé du temps dans le laboratoire du Dr Clark Lee, revenant avec les dernières recherches sur l'interféron et plus de contacts.

En mars 1981, six Cubains ont passé 12 jours en Finlande avec le médecin finlandais Kari Cantell, qui dans les années 1970 avait isolé l'interféron des cellules humaines et avait partagé la percée en refusant de breveter la procédure. Les Cubains ont appris à produire de grandes quantités d'interférons.

Dans les 45 jours suivant leur retour sur l'île, ils avaient produit le premier lot d'interféron cubain, dont la qualité avait été confirmée par le laboratoire du Dr Kari Cantell en Finlande.

Épidémie de dengue à Cuba en 1981

Quelques semaines plus tard, Cuba a été frappée par une épidémie de dengue, une maladie transmise par les moustiques. C'était la première fois qu'une dengue hémorragique menaçant le pronostic vital apparaissait en Amérique.

L'épidémie a touché 340 000 Cubains, avec 11 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque jour à son apogée. 180 personnes sont décédées, dont 101 enfants.

Le ministère cubain de la Santé publique a autorisé l’utilisation d’interféron cubain pour stopper l’épidémie de dengue. Rapidement, la mortalité a diminué. 

Convaincu de la contribution et de l'importance stratégique des sciences médicales innovantes, le gouvernement cubain a créé le Front biologique en 1981. Des scientifiques cubains sont partis étudier à l'étranger. Leurs recherches ont emprunté des voies plus innovantes en expérimentant le clonage de l'interféron.

Dès 1986, les Cubains ont mis au point l'interféron recombinant Alfa 2B, qui a profité à des milliers de Cubains depuis lors. La même année, l'État cubain ouvrait son fameux Centre d'Ingénierie Génétique et de Biotechnologie.

Une autre crise sanitaire survint aussi à Cuba : une grave épidémie de méningite B.

Le miracle de la méningite à Cuba

En 1976, Cuba a été frappée par des flambées de méningite de type B et C. Auparavant, seuls quelques cas isolés avaient été observés sur l'île. À l'échelle internationale, des vaccins existaient pour les méningites de types A et C, mais pas pour le type B.

Les autorités sanitaires cubaines ont obtenu un vaccin d'une entreprise pharmaceutique française pour immuniser la population contre la méningite de type C. Cependant, au cours des années suivantes, les cas de type B ont commencé à augmenter. Une équipe de spécialistes de différents centres de sciences médicales a été créée, dirigée par une femme biochimiste, Concepción Campa, pour travailler intensivement à la recherche d'un vaccin.

En 1984, la méningite B était devenue le problème de santé le plus grave à Cuba. Après six ans de travail intense, l'équipe de Concepción Campa a produit le premier vaccin contre la méningite B.

Entre 1989 et 1990, les trois millions de Cubains les plus à risque ont été vaccinés. Par la suite, 250 000 jeunes ont été vaccinés avec le vaccin VA-MENGOC-BC, un vaccin combiné contre les méningites de type B et C. Le vaccin a enregistré un taux d'efficacité global de 95%, dont 97% dans la tranche d'âge à haut risque de trois mois à six ans. Le vaccin contre la méningite B de Cuba a reçu la médaille d'or des Nations Unies pour l'innovation mondiale. Ce fut le miracle de la méningite à Cuba.

Depuis sa première application pour lutter contre la dengue, l’interféron de Cuba a démontré son efficacité et sa sécurité dans le traitement des maladies virales, notamment les hépatites de types B et C, le zona, le VIH-sida et la dengue. Parce qu'il interfère avec la multiplication virale au sein des cellules, il a également été utilisé dans le traitement de différents types de carcinomes. Seul le temps nous dira si l'interféron Alfa 2B s'avère être le médicament miracle dans la lutte contre le COVID-19.

Boîte Noire :

Ce billet est une synthèse de différents articles parus en anglais, notamment dans Newsweek.

Pour plus d'informations sur le sujet, lire l'article de Nils Graber : Les biotechnologies cubaines sous l’angle des circulations globales : chercheurs rouges et diplomatie scientifique

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.