Planter des milliards d’arbres suffira-t-il à absorber les émissions de CO2 ?

La Terre pourrait accueillir 1 200 milliards d’arbres supplémentaires. Ce qui serait suffisant pour absorber les émissions mondiales de CO2 ? Pas si vite.
Planter des milliards d'arbres suffira-t-il à absorber les émissions de CO2 ?

Planter des arbres pour lutter contre le réchauffement climatique ? L’idée est loin d’être neuve, mais selon une nouvelle étude présentée le 16 février auprès de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), la Terre pourrait accueillir 1 200 milliards d’arbres supplémentaires – ce qui, d’après le chercheur britannique Thomas Crowther, serait largement suffisant pour absorber les émissions mondiales de CO2

Les arbres seraient « notre arme la plus puissante pour lutter contre le changement climatique  ». C’est par ces mots que Thomas Crowther, chercheur britannique à l’école polytechnique de Zurich, a présenté les résultats de son étude auprès du quotidien The Independent. D’après lui, un boisement massif de la surface de la planète pourrait très largement compenser les émissions mondiales de CO2.

Solution no1 contre le réchauffement climatique

Planter des arbres passerait, selon le chercheur, en première position des méthodes les plus efficaces pour contrer le réchauffement climatique. Le projet Drawdown de l’écologiste américain Paul Hawken, qui a évalué en collaboration avec 70 chercheurs du monde entier les 80 solutions les plus efficaces pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, ne place pourtant le boisement qu’en 15ème position, loin derrière l’élimination des frigorigènes, la construction d’éoliennes, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou encore les régimes végétariens.

Faute de données précises, le nombre d’arbres sur Terre aurait été largement sous-estimé jusqu’ici. En traitant des données issues d’études de terrain et de satellites à l’aide de machine learning, Thomas Crowther et ses collègues ont comptabilisé 3 000 milliards de spécimens, soit 7 fois plus que les estimations de la NASA. Cette même méthode leur a permis d’estimer à 1 200 milliards le nombre d’arbres qui pourraient venir s’ajouter aux forêts existantes, notamment dans les terrains abandonnés (et non, précise le chercheur, sur des terres agricoles ou des zones urbaines).

« Les 3 000 milliards d’arbres [existants aujourd’hui sur la planète] correspondent à un stock de carbone de 400 gigatonnes de CO2. Si on y ajoute environ un trillion, on pourrait capturer encore des centaines de gigatonnes – l’équivalent d’au moins une décennie d’émissions anthropiques complètement anéanties  », a précisé le chercheur à The Independent. À titre de comparaison, les émissions mondiales de CO2 s’élevaient à 37 gigatonnes en 2018.

Trop beau pour être vrai ?

« C’est une belle chose parce que tout le monde peut contribuer. Les arbres rendent les gens plus heureux dans les environnements urbains, améliorent la qualité de l’air, de l’eau, de la nourriture et les services écosystémiques : c’est quelque chose de facile et tangible  », s’enthousiasmait encore le chercheur. Nourrissant au passage l’engagement de nombreuses marques et services promettant de planter des arbres, du moteur de recherche Ecosia au prêt-à-porter « éthique » (Faguo, qui aurait déjà planté plus d’un million d’arbres, et Wado, dont le logo en forme de feuille de liège rappelle l’activité de reforestation de l’entreprise) pour ne citer qu’eux.

Toute forêt n’est pas un « puits de carbone ». La capacité des arbres à séquestrer le COdépend de nombreuses conditions. 

Tiendrait-on enfin la solution pour enrayer les émissions mondiales de CO? Pas si vite. Toute forêt n’est pas un « puits de carbone ». La capacité des arbres à séquestrer le COdépend de nombreuses conditions. Climatiques, notamment. « Lorsque les pluies font durablement défaut, la fonction de puits de carbone de la forêt est gravement perturbée, explique l’INRA. Au point que certaines forêts, notamment celles du Nord de l’Europe ou les forêts tropicales, peuvent devenir temporairement des émettrices nettes de COlors d’une sécheresse prolongée ».

D’autres facteurs peuvent affecter la forêt. Les assauts d’insectes peuvent réduire considérablement ses capacités d’absorption, et les incendies « peuvent envoyer dans l’atmosphère en quelques heures tout le CO2 qu’une forêt a patiemment accumulé au fil des décennies  », poursuit l’INRA. La vidéo de Climate Challenge ci-dessous rappelle le fonctionnement du cycle du carbone et ses perturbations : 

Par ailleurs, tous les arbres et tous les sols ne se valent pas. Parmi les 3 000 milliards d’arbres existant, si l’on en croit les calculs de Thomas Crowther, à l’heure actuelle sur Terre, tous n’absorbent pas la même quantité de CO2. L’ingénieur et spécialiste de l’énergie Jean-Marc Jancovici l’expliquait dans un article de son blog (Ne suffit-il pas de planter des arbres pour compenser les émissions ?)  

« La forêt est évidemment un puits de carbone quand elle est jeune et qu’elle remplace un sol agricole. En effet, en pareil cas la teneur en carbone du sol augmente, et la quantité de carbone stockée dans la partie aérienne des arbres augmente aussi. Mais quand elle est jeune et qu’elle remplace une prairie, c’est moins évident (…) Et quand la forêt est arrivée à maturité (cas des forêts qui ont dépassé le siècle, en gros), avec des arbres qui meurent et des arbres qui poussent, alors elle émet à peu près autant de CO2 qu’elle n’en absorbe. Certes des arbres poussent, mais la décomposition de ceux qui sont morts conduit à des émissions de CO2 à peu près équivalentes à ce qui est absorbé par la croissance des arbres vivants  ». L’étude de Thomas Crowther aurait-elle surestimé le pouvoir des arbres ?

 

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Illustration à la Une : Forêt de pins / Andrew Coelho sur Unsplash

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