À Davos, l'environnement sera-t-il vraiment la principale préoccupation ?

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À Davos, l'environnement sera-t-il vraiment la principale préoccupation ?

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L'année dernière, l'environnement était déjà au centre de l'attention et l'impact du changement climatique sur la croissance économique était classé en tête des préoccupations par les participants.
L'année dernière, l'environnement était déjà au centre de l'attention et l'impact du changement climatique sur la croissance économique était classé en tête des préoccupations par les participants.
© AFP - Fabrice Coffrini

Le 50e Forum économique mondial ouvre ses portes mardi, à Davos en Suisse. Au cœur de cette réunion des décideurs économiques, politiques ou ONG : l'environnement. C'est en tout cas ce que suggère un rapport publié par les organisateurs qui veulent "verdir" l'image de l'événement. Qu'en est-il dans les faits ?

Dirigeants d’entreprise, responsables politiques, ou encore représentants des milieux universitaires et d'ONG... Environ 3 000 participants venus du monde entier vont se retrouver dans les Alpes suisses entre le 21 et le 24 janvier pour la grand-messe annuelle du monde économique et politique. Le mot d'ordre de cette 50e édition : un monde "plus solidaire et durable". "C’est une première, les cinq principaux risques mondiaux sont désormais des risques environnementaux", assurent les organisateurs de la réunion de Davos, en Suisse.

C'est la conclusion du 15e rapport annuel sur les risques qu'ils viennent de publier, en partenariat avec Marsh & McLennan (entreprise de gestion des risques) et Zurich Insurance Group (compagnie d'assurance suisse). Une enquête menée auprès de 750 experts et décideurs du monde entier, invités à classer leurs plus grandes préoccupations en termes de probabilité et d'impact.

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Des décideurs qui se disent inquiets pour l'environnement

Plus précisément, les menaces pesant sur le climat et l'environnement représentent à leurs yeux tous les principaux risques sur les 10 prochaines années, tandis que les "confrontations économiques" et la "polarisation politique intérieure" sont reconnues comme des risques importants courant 2020. La probabilité d'événements météorologiques extrêmes, ainsi que de l'incapacité des gouvernements et du monde économique à prévenir le changement climatique, constitueraient leurs principales préoccupations à long terme. 

Les sondés s'alarment également des "dommages et désastres causes par l'Homme, tels que des fuites de pétrole ou des contaminations radioactives". Viennent ensuite l'inquiétude autour d'une "perte importante de biodiversité et un effondrement de l'écosystème (terrestre ou marin) avec des conséquences irréversibles pour environnement, ce qui entraîne des ressources gravement épuisées pour l'humanité ainsi que les industries". Enfin, au cinquième des risques classés comme les plus probables, on trouve les "catastrophes naturelles majeures telles que des tremblements de terre, des tsunamis, des éruptions volcaniques et des tempêtes géomagnétiques".

Le fondateur du forum, Klaus Schwab, a donné le ton devant la presse :

"Le monde est en état d'urgence. La fenêtre pour agir est petite."

John Drzik, président du cabinet de conseil Marsh and McLennan Insights, constate que la pression est de plus en plus forte sur les entreprises "de la part des investisseurs, des régulateurs, des clients et des employés" pour qu'elles démontrent leur volonté d'agir sur les risques climatiques. En particulier face à "des événements très médiatisés, comme les récents incendies de forêt en Australie et en Californie". Et "les avancées scientifiques signifient que les risques climatiques peuvent être modélisés avec davantage de précision et être incorporés dans la gestion des risques et les projets des entreprises", explique-t-il.

"Le paysage politique est polarisé, le niveau des mers monte et les incendies liés au climat font rage. C'est l'année où les dirigeants mondiaux doivent travailler avec toutes les composantes de la société pour réparer et redonner de la vigueur à nos systèmes de coopération, pas seulement pour le court terme mais pour s'attaquer aux risques profondément enracinés", estime le président du forum, Børge Brende.

Vraiment plus "verte", cette édition ?

Incendies en Australie, interdiction de la pêche des espèces menacées, article co-écrit par des jeunes militants pour le climat... Le site du Forum économique mondial (FEM) ressemblerait presque à celui d'une association de défense de l'environnement. Sous le thème "comment sauver la planète ?" se tiendront 27 conférences, animées par des biologistes, journalistes, chefs d'entreprises, représentants religieux, politiques... Mais aussi de jeunes activistes du climat, tels que la suédoise Greta Thunberg, déjà présente en 2019, ou la Zambienne Natasha Mwansa.

Se côtoieront donc des figures de la défense de l'environnement et des dirigeants d'entreprises, parfois très polluantes. Reste à savoir si les uns parviendront à faire fléchir les autres. Les déclarations d'un de ces grands patrons, le PDG de Total, Patrick Pouyanné, mardi, ne semblent pas vraiment aller en ce sens, ni présager d'une volonté plus grande pour réduire rapidement l'impact écologique de son entreprise, comme le réclament les associations environnementales. S'il reconnait l'existence d'une "pression" sur les groupes pétroliers et gazier, il la juge "très occidentale, voire très européenne".

"On pense qu'il y a un monde blanc et noir. Je comprends qu'il y ait des jeunes qui aient envie qu'on agisse, mais c'est un sujet complexe", ajoute-t-il lors d'une conférence organisée par Euronext à Paris. Selon lui, le débat sur le réchauffement climatique est "trop manichéen, trop faussé" et la solution "prendra du temps", car "les énergies fossiles représentent 90% du mix énergétique mondial aujourd'hui. On ne va pas faire disparaître tout ça d'un coup de baguette magique". Tout en rappelant que Total s'est largement diversifié dans le gaz naturel et investit dans l'électricité d'origine renouvelable, il poursuit :

"Il faudrait que tout le monde retombe un peu sur Terre sur ce sujet énergétique. Je ne verrai pas de mon vivant un système énergétique à base uniquement de renouvelables. Il faudrait quand même qu'on arrête de rêver tous collectivement."

L'année dernière, la société d'affrètement Air Charter Service avait enregistré un nombre record de jets privés : 1 500 vols la semaine précédant l'événement dans les aéroports avoisinant la station des Alpes suisses. Pourtant, les organisateurs affirmaient déjà que, selon leur sondage, le changement climatique était placé au premier rang des risques pour l'économie mondiale par les participants.

Est-ce que ce sera différent cette année ? En tout cas, les organisateurs veulent à nouveau montrer patte verte. Pour la première fois, des panneaux solaires et un chauffage géothermique sont installés dans le Centre de congrès qui accueille le Forum. Une gare temporaire sera aussi aménagée pour encourager les participants à utiliser les transports publics. "Notre flotte de voitures et d'autobus est à 90 % hybride ou électrique", précisent les organisateurs.

De plus, "pour la quatrième année", la réunion sera également "climatiquement neutre", promet-on. Toute empreinte environnementale qui ne peut pas être "éliminée" sera " compensée en investissant dans des programmes qui réduisent les niveaux d'émissions dans l'atmosphère", notamment "les déplacements du personnel et des participants par avion".

Concrètement, il s'agit donc de financer des projets de réduction, de séquestration de CO2 ou toute initiative bénéfique à l'environnement, censés permettre de "compenser" la pollution générée par une activité ou un événement. La "compensation carbone" est néanmoins un mécanisme décrié par certaines associations de défense de l'environnement. En effet, difficile d'établir une équivalence stricte entre un impact environnemental et le soutien financier à des initiatives qui ont vocation à capter ou réduire les émissions polluantes. De plus, on ne peut pas être certain que ces projets n'auraient pas été mis en œuvre sans ce financement.

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