Covid : le président brésilien Bolsonaro au banc des accusés
Une commission d'enquête entame ses travaux mardi. Objectif : identifier les responsables de la gestion désastreuse de la pandémie, qui a entraîné la mort de près de 400.000 personnes. C'est l'avenir politique du président Bolsonaro qui est en jeu.
Par Thierry Ogier
Sur la défensive. Dans le déni quant à la pandémie, le président Bolsonaro est la principale cible de la commission parlementaire d'enquête (CPI, en portugais) qui entame ses travaux au Sénat ce mardi. Ses onze membres sont chargés d'identifier les responsables de la crise sanitaire. Au Brésil, la pandémie a coûté la vie à près de 400.000 personnes .
« Ce n'est pas la peine d'aller chercher bien loin, estime le médecin Drauzio Varella. On dispose déjà de toutes les données, les images… Le président provoquant des attroupements, sans masque, prenant position contre l'utilité des vaccins, disant que le ministère de la Santé n'allait pas acheter tel ou tel vaccin… »
Officiellement, c'est l'ancien ministre de la Santé, le général Eduardo Pazuello, qui est dans la ligne de mire et qui devra être convoqué par la CPI. C'est lui qui avait refusé d'acheter des vaccins Pfizer l'an dernier, en d énonçant les « clauses léonines » du contrat. Toutefois, la responsabilité de Jair Bolsonaro est également engagée . C'est lui qui avait annulé une commande antérieure du vaccin Sinovac, sous prétexte que : « Nous n'achèterons pas de vaccin chinois. » Souriant, le général Pazuello expliquait alors, durant une conférence de presse : « Messieurs, c'est bien simple. L'un commande, et l'autre obéit ! » Jair Bolsonaro a également été un fervent défenseur de la chloroquine…
Président sans parti
Au palais du Planalto, les conseillers de la présidence planchent sur leurs dossiers depuis ce week-end pour protéger leur chef. « Bolsonaro se sent menacé », résume le politologue Sergio Abranches. Le président est sans étiquette depuis qu'il a abandonné le parti social-libéral (PSL). Il a conservé une majorité à la Chambre des députés. Mais la commission d'enquête est menée par le Sénat, et sera donc dirigée par ses opposants.
« Les CPI, on sait où ça commence. On ne sait pas où ça s'arrête ! » Telle est la maxime des politologues brésiliens, qui relèvent le caractère à la fois imprévisible et potentiellement explosif de ces commissions d'enquête parlementaires. En trente ans, certaines ont conduit au départ d'un président (Fernando Collor), alors que d'autres sont tombées à l'eau.
En jeu : l'avenir politique de Jair Bolsonaro
Toutefois, cette enquête vise des faits très précis qui « touchent directement le vécu des familles », remarque le sénateur Omar Aziz. Et le contexte politique, avec la perspective de l'élection présidentielle de l'an prochain, devrait ajouter de l'huile sur le feu. « C'est la réélection de Bolsonaro qui est en jeu, ou même la continuité de son mandat », estime Carlos Melo, professeur de stratégie politique à Insper, une école de commerce à São Paulo. « De nombreux décès auraient pu être évités si le gouvernement avait informé la population correctement, au lieu de recommander des remèdes miracle, estime Natalia Pasternak, présidente de l'Institut Question de Sciences. Cette CPI est bienvenue car elle va permettre d'identifier les responsables. Elle pourrait bien fournir la base juridique à la destitution du président. »
Thierry Ogier (Correspondant à São Paulo)