Genèse

Covid-19 : des scientifiques demandent une nouvelle enquête «approfondie et crédible» après celle de l’OMS à Wuhan

Un collectif dénonce dans une lettre ouverte publiée jeudi l’omniprésence des autorités chinoises lors de la visite dans le pays des experts de l’Organisation mondiale de la santé, enlevant toute crédibilité à leurs recherches sur les origines de la pandémie.
par Julien Lecot
publié le 5 mars 2021 à 16h00

Un an que la Terre tourne au ralenti, qu’un virus toujours hors de contrôle tue chaque jour par millier, et que plusieurs questions restent en suspens : quelle est l’origine de cette pandémie ? Et comment le virus a-t-il été transmis à l’être humain ? Pour retenir des leçons du Covid-19 et être en mesure de prévenir l’arrivée d’un nouveau virus, un collectif de scientifiques appelle à la mise en place d’une structure capable de mener une enquête «approfondie, crédible et transparente» pour examiner «pleinement et courageusement les origines de cette pandémie».

Dans une lettre ouverte publiée jeudi, et relayée dans un premier temps par le Wall Street Journal et le Monde, vingt-six scientifiques de diverses nationalités – dont une dizaine de Français – demandent à ce que soient réexaminées toutes les hypothèses sur la genèse du virus. Ils expliquent avoir constaté de nombreuses failles dans l’enquête menée par l’équipe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Wuhan en janvier, entravée par le contrôle permanent des autorités chinoises.

Un plaidoyer pour que toutes les hypothèses soient étudiées

Pékin avait dans un premier temps tout fait pour éviter qu’un cortège international de virologues, zoologistes et épidémiologistes mette les pieds dans la ville du Hubei où les premiers cas ont été recensés. Avant de faire organiser tous les déplacements par les autorités locales, choisissant les interlocuteurs à interroger, les documents à consulter et prenant même le temps d’imposer une escale dans un musée de Wuhan qui rend hommage à la réponse sanitaire du gouvernement. En matière de transparence et d’indépendance, on a vu mieux.

Avant de repartir de Chine, les experts de l’OMS avaient expliqué dans une conférence de presse que la transmission du virus de l’animal à l’homme par un hôte intermédiaire restait l’hypothèse «la plus probable», et qu’une fuite du virus d’un laboratoire était au contraire «hautement improbable». Dans leur lettre ouverte publiée ce jeudi, les vingt-six scientifiques martèlent que les investigations de ces experts n’étaient en rien «le résultat d’une enquête indépendante et sans restrictions» et que les conclusions ne représentent pas la position officielle de l’OMS.

Ils plaident donc pour qu’une nouvelle investigation «sans restriction» soit mise en place par une équipe «vraiment indépendante, sans conflit d’intérêts ni contrôle entier ou partiel par le moindre agenda ou pays». Et que toutes les hypothèses soient réellement étudiées, d’une transmission d’origine animale à la fuite directe ou indirecte d’un laboratoire de Wuhan.

Consensus avec les autorités chinoises

Contactée par Libération, Virginie Courtier, généticienne de l’évolution à l’Institut Jacques-Monod (CNRS) et cosignataire de la lettre, assure que l’objectif n’est en «aucun cas d’affaiblir l’OMS» – que le collectif soutient –, «mais de l’aider à trouver une façon de mener une enquête qui soit satisfaisante pour tout le monde» : «On ne peut pas accepter une enquête qui n’a pas étudié toutes les hypothèses, et où les scientifiques n’ont, compte tenu des circonstances, pas pu travailler en toute transparence et indépendance.»

Désormais, les vingt-six scientifiques espèrent que leurs arguments seront entendus et attendent le rapport complet des experts de l’OMS qui devrait être publié dans les prochaines semaines – sans qu’aucune date ne soit avancée. Les conclusions seront le fruit d’un consensus avec les autorités chinoises qui continuent, elles, d’avancer que le virus pourrait avoir circulé dans d’autres pays avant d’arriver en Chine. Et de nier tout manque de transparence lors de l’apparition des premiers cas à Wuhan.

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