Le gouvernement se penche désormais sur le tracking des citoyens, pour mieux gérer l'après confinement et faire face au Coronavirus. Il planche sur une application, Stop Covid, qui doit à la fois concilier le respect des libertés individuelles et la nécessité sanitaire. S'il avait au début exclu cette option, les bons résultats de pays comme la Corée du Sud semblent l'avoir convaincu. 

[Mise à jour le 8 avril] En Corée du sud, les habitants reçoivent en temps réel des notifications sur leur smartphone pour les prévenir qu’une personne, habitant à telle adresse, hospitalisée à telle date, est venue faire ses courses dans tel supermarché. Grâce aux données bancaires et de géolocalisation, les autorités préviennent les habitants qui auraient été mis en contact avec des malades du Coronavirus. Dans un premier temps, le gouvernement français a refusé d’envisager la technologie numérique comme outil de gestion, notamment pour la période d’après le confinement. 
"Cela n’est pas la culture française. Je fais confiance aux Français pour que nous n’ayons pas à mettre en place ces systèmes qui, au fond, atteignent la liberté individuelle de chacun pour être efficaces. Donc ce n’est pas un sujet sur lequel nous travaillons", affirmait Christophe Castaner sur France 2 le 26 mars. Un positionnement confirmé ensuite, par le Premier ministre Édouard Philippe en personne. Mais les choses semblent bouger rapidement. Le 5 avril, le ministre de l’Intérieur a finalement expliqué que le gouvernement n’excluait pas le pistage de ses citoyens. 
Le gendarme de l’informatique met en garde
"Le tracking fait partie des solutions retenues par un certain nombre de pays, donc nous avons fait le choix de travailler en lien avec eux pour regarder ces solutions. Je suis convaincu que si elles permettent de lutter contre le virus et, si évidemment, elles respectent les libertés individuelles, c’est un outil qui sera retenu et soutenu par l’ensemble des Français", a-t-il déclaré. Le tracking consiste à utiliser les données personnelles des individus émanant notamment de leur smartphone pour les tracer numériquement et parfois les géolocaliser.
L’enjeu pour le gouvernement est de proposer une solution qui soit compatible avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) car la Commission nationale de l’information et des libertés (Cnil) veille au grain. Pour elle, pas question de sacrifier les principaux fondamentaux de nos libertés individuelles sur l’autel du Coronavirus.
"Si nous parlons de suivi individualisé des personnes, il y a deux solutions", avance Marie-Laure Denis, présidente de la Cnil, dans Le Monde. "La première, c’est que ce suivi repose sur le volontariat, c’est-à-dire le consentement libre et éclairé. Il ne faut pas qu’il y ait des conséquences pour celui qui refuserait de télécharger une application, par exemple. (…) Pour le suivi individualisé des personnes qui ne reposerait pas sur le consentement, il faudrait, d’une part, une disposition législative et, d’autre part, que le dispositif soit conforme aux principes de la protection des données", prévient-elle. 
Le numérique n’est pas l’outil magique
Pour l’instant, le gouvernement reste flou sur ce qu’il pourrait proposer mais il a apporté quelques détails ce 8 avril dans une interview accordé au Monde. L’application Stop Covid ne géolocaliserait en fait pas les individus, point sur lequel la CNIL était intransigeante et s’appuierait sur le Bluetooth. "Elle retracera l’historique des relations sociales qui ont eu lieu dans les jours précédents, sans permettre aucune consultation extérieure, ni transmettre aucune donnée", explique le Secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O. L’application se téléchargerait sur la base du volontariat et permettrait d’informer son utilisateur s’il a croisé, pendant un long moment, un porteur du Covid 19. En attendant la mise en place de cette application, qui doit faire l’objet d’un "large débat", plusieurs applications citoyennes se sont développées. 
Coronapp, lancé fin mars par une agence web parisienne propose de suivre les mouvements des utilisateurs pendant 14 jours. "Si un porteur de virus se déclare comme infecté par le covid 19, l’algorithme va retracer son parcours pour vérifier les personnes qu’il/elle a croisées et les informer via une notification de l’heure et la date à laquelle ils ont été en contact avec cette personne", note le fondateur de l’agence ITSS dans Stratégies. Le projet le plus abouti dans l’Europe a été piloté par des chercheurs de l’université britanniques d’Oxford. Il s’appuie sur la technologie sans fil Bluetooth et non la géolocalisation. Les données seront, elles, conservées pour un temps défini, suivant les règles du RGPD.
Mais quelques associations et parlementaires montent au créneau pour dénoncer cette "servitude volontaire". Le député En Marche Sacha Houlié a publié une tribune dans le JDD dans laquelle il estime que le "tracking vertueux est un mensonge". "Cela reviendrait à capituler devant le savoir qui peut -nous le savons puis longtemps- nous conduire à accepter petit à petit l’autoritarisme puis le totalitarisme", écrit-il. D’autant que la technologie numérique ne peut être le seul outil de lutte contre le Coronavirus. En Corée du Sud, souvent pris pour exemple concernant sa gestion de la crise et son taux bas de mortalité, les citoyens sont dépistés massivement et tous portent un masque, ce qui est loin d’être le cas en France. 
Marina Fabre, @fabre_marina

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