La biodiversité peut aussi déstabiliser les écosystèmes

Publié par Isabelle le 25/11/2018 à 12:00
Source: CNRS INEE
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Les écosystèmes riches en biodiversité sont plus stables face à la plupart des perturbations, telles que les sécheresses, les canicules ou les apports de pesticides. C'est du moins ce que l'on pensait jusqu'à maintenant. Des écologues de l'ISEM (CNRS / Université de Montpellier / IRD / EPHE), de l'Eawag et de l'Université de Zurich viennent maintenant de montrer que ce n'est pas si simple dans une étude publiée dans la revue Nature. Dans certaines conditions environnementales, l'augmentation de la diversité des espèces peut également entraîner une plus grande instabilité de l'écosystème.


Les biocénoses aquatiques se composent souvent de très nombreuses espèces – comme ici une communauté de microorganismes. (Photo: E. Mächler / F. Altermatt)

Les écosystèmes nous sont utiles à bien des égards. Ils nous procurent de la nourriture, de l'eau et d'autres services écosystémiques comme des espaces de détente très appréciables. Pour cette raison, entre autres, il est donc primordial que ces systèmes fragiles conservent leur fonctionnalité et leur stabilité et ce, malgré les dérèglements climatiques ou la pollution. Mais que garantit cette stabilité ? C'est sur cette question que se sont penchés des écologues de l'ISEM (CNRS / Université de Montpellier / IRD / EPHE), de l'Eawag et de l'Université de Zurich dans "un essai très ambitieux et unique en son genre", comme le souligne Frank Pennekamp, écologue à l'Université de Zurich.

Concrètement, les scientifiques ont observé comment la biodiversité influençait la stabilité des écosystèmes. Ils ont choisi comme modèles biologiques six espèces de ciliés, de minuscules organismes unicellulaires vivant dans l'eau. Les biologistes ont placé ces animaux dans des flacons en faisant varier leur nombre et la combinaison des espèces, créant ainsi des micro-écosystèmes qu'ils ont ensuite laissé se développer à des températures comprises entre 15 et 25 degrés. L'augmentation de la température visait à simuler le réchauffement climatique étant donné que les ciliés évoluent normalement à 15°C. Les scientifiques ont ensuite mesuré la stabilité de la production de biomasse dans les petits écosystèmes par des observations régulières avec une nouvelle technique d'analyse vidéo.


Un écologue de l'équipe du projet prélevant un échantillon dans un flacon afin de filmer le micro-écosystème au microscope en vue d'une analyse ultérieure. (Photo: Frank Pennekamp)

Des résultats apparemment contradictoires

Les résultats de cette expérience sont parus le 17/10/2018 dans la revue Nature et ils interpellent: la biodiversité a à la fois une influence positive et négative sur la stabilité de l'écosystème. "La stabilité écologique est une propriété complexe qui repose sur plusieurs éléments. Notre expérience montre comment la biodiversité agit sur les différentes composantes de la stabilité", explique Pennekamp, premier auteur de l'étude. Plus concrètement: la production de biomasse fluctue d'autant moins que les communautés d'espèces des micro-écosystèmes sont variées. Mais d'un autre côté: sous l'effet du réchauffement, les ciliés produisent d'autant moins de biomasse que le nombre d'espèces présentes dans le système est élevé.


Le graphique présente deux relations contraires: d'un côté, la résistance aux perturbations diminue à mesure que le nombre d'espèces du mini-écosystème augmente ; d'un autre côté, la stabilité temporelle de la production de biomasse augmente avec la biodiversité. (Graphique: Pennekamp et al., 2018)

"Le fait que les différentes composantes de la stabilité réagissent différemment doit être pris en compte dans la gestion des écosystèmes. Suivant le poids donné à chacune d'entre elles, la relation entre diversité et stabilité globale de l'écosystème peut être non linéaire", conclut Pennekamp.

Passage du laboratoire au milieu naturel

Mais les résultats obtenus dans de tels microcosmes sont-ils seulement transposables aux conditions naturelles ? Pour s'en assurer, Pennekamp et son équipe ont parcouru de nombreuses études scientifiques ayant porté sur l'influence de la biodiversité sur les différentes composantes de la stabilité. Et effectivement: d'autres chercheurs avaient également observé des relations contraires entre diversité spécifique et stabilité dans des communautés algales et des communautés de prairie, notamment. "Les résultats montrent clairement que la biodiversité ne suffit pas à garantir la stabilité globale des écosystèmes", commente Pennekamp. Il faut, en plus d'une grande diversité spécifique, qu'ils abritent des espèces capables de réagir de façon très variée aux modifications de l'environnement. "La nature est bien plus complexe que nous le souhaiterions parfois en tant que chercheurs – mais c'est aussi ce qui fait tout l'intérêt de la recherche", commente Pennekamp.

Détermination automatique des espèces par analyse vidéo et apprentissage automatique

La quantité de données collectées pendant l'essai était telle qu'il n'aurait pas été possible aux biologistes de déterminer toutes les espèces manuellement. Ils ont donc développé un algorithme capable de distinguer les espèces. Pour ce faire, ils ont pipeté une certaine quantité de solution nutritive contenant les ciliés et l'ont déposée sur une lame porte-objet ; ils ont ensuite filmé les micro-organismes présents à l'aide d'une caméra montée sur un microscope. En considérant la forme, la taille et la rapidité de locomotion des ciliés, l'algorithme a ensuite été capable de distinguer et de déterminer les différentes espèces dans les quelque 20 000 séquences vidéo enregistrées.


Référence publication:
Biodiversity increases and decreases ecosystem stability. Frank Pennekamp, Mikael Pontarp, Andrea Tabi, Florian Altermatt, Roman Alther, Yves Choffat, Emanuel A. Fronhofer, Pravin Ganesanandamoorthy, Aurélie Garnier, Jason I. Griffiths, Suzanne Greene, Katherine Horgan, Thomas M. Massie, Elvira Mächler, Gian Marco Palamara, Mathew Seymour & Owen L. Petchey . Nature. 17 octobre 2018.

Contact chercheur:
Emanuel A. FRONHOFER - Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier – ISEM (CNRS / Université de Monptellier / IRD / EPHE)
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