Avant de repartir en train ou en bus dans leurs lointains villages, les paysans venus manifester à Delhi jeudi 29 et vendredi 30 novembre ont laissé derrière eux des prospectus imprimés sur de petits morceaux de papier, minces comme du papier à cigarette. « Pardonnez-nous, est-il écrit en lettres capitales, nous vous avons peut-être dérangé avec notre manifestation. » Quelques dizaines de milliers de paysans originaires des quatre coins de l’Inde ont défilé dans les rues de la capitale Indienne, avec sous le bras le portrait d’un père, d’un mari ou d’un frère endetté qui s’est suicidé. Les paysans ont enfilé chaussettes et bonnets pour passer la nuit sur un terrain vague de la capitale avant de converger vers le Parlement en chantant des slogans, sous les drapeaux de leur organisation. La « marche pour la liberté des paysans » était organisée par environ 150 organisations d’agriculteurs, dont certaines sont liées au Parti communiste d’Inde.
A chaque paysan, sa colère. « A force de vendre nos récoltes pour quelques roupies, nous perdons de l’argent en travaillant », explique Ratin, paysan du Kerala. « Entre les sécheresses et les inondations, nos vies sont devenus plus incertaines que jamais », ajoute Nitin, venu de l’ouest de l’Inde. Les paysannes étaient également nombreuses. Seules 8 % des femmes ont leur nom inscrit dans le titre de propriété de la terre qu’elles cultivent avec leur mari. Quand elles deviennent veuves, la terre est transmise à leurs enfants ou à la belle famille et elles ne comptent plus pour rien.
600 millions de paysans dans le pays
La colère paysanne monte dans le pays. Leur marche organisée à Delhi, plutôt modeste si on la compare aux 600 millions de paysans du pays, n’en est pas la seule illustration. Au cours des derniers mois, les manifestations se sont multipliées dans tout le pays. Cinquante mille agriculteurs ont ainsi marché à travers Calcutta mercredi 28 novembre, et en mars, un gigantesque cortège d’agriculteurs est entré à pied dans Bombay. Ils disent ne pas être entendus par les responsables politiques, comme en témoigne leur appel à organiser une session extraordinaire de trois semaines au Parlement consacrée à l’agriculture. « Les rapports et les projets de loi prennent la poussière sur les étagères, et le Parlement ne prend pas au sérieux le problème des agriculteurs » se désole Palagummi Sainath, journaliste et coorganisateur de la « marche pour la liberté ».
Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.